Dans un contexte où le Parti québécois a atteint un creux historique et que la popularité de l'option souverainiste est en chute libre, la Fête nationale se cherche une identité. Certains de ses plus ardents promoteurs se demandent même s'il y aura encore des gens pour la faire vivre d'ici quelques années.

Manque de bénévoles, manque de commanditaires et contexte politique peu propice, la fête de la Saint-Jean cherche un second souffle depuis quelques années.

« Il y a un climat morose avec la crise de la corruption et de l'intégrité de l'élite politique, les gens désavouent la politique, et ça s'accompagne d'une crise de la conscience sociale et nationale », selon Gilles Laporte, président du Mouvement national des Québécois (MNQ), qui organise la Fête nationale depuis 1984.

Le président et historien croit que les gens, de plus en plus individualistes, ne souhaitent plus s'impliquer.

« On le sent sur le dévouement de nos bénévoles, qui vieillissent et sont moins nombreux », dit-il. Le MNQ peine à recruter les 20 000 bénévoles nécessaires.

« Les gens semblent avoir moins le goût de rassembler et de célébrer leur unité. »

« Notre système politique nous a rendus insensibles. Si on pouvait avoir un mode de scrutin proportionnel, peut-être que les gens iraient voter... Ça fait des Fêtes nationales un peu moins profondes », ajoute le chanteur Philippe Brach, qui participera à son premier spectacle de la Fête nationale cette année.

Les comités organisateurs font aussi face à un défi en ce qui concerne leur financement et peinent à trouver des commanditaires privés. « Certains ont des scrupules à appuyer la Fête nationale parce que ç'a l'air politique ou teinté de partisanerie », reconnaît M. Laporte. Ainsi, la Société des alcools du Québec, Hydro-Québec, Télé-Québec, des sociétés d'État sont les principaux partenaires des célébrations.

Les fêtes sont aussi plus tranquilles en partie en raison d'un virage entrepris dans les années 90. Le MNQ a voulu se rapprocher des gens et a pris un virage plus local. « La fête risquait de devenir un gros show télévisuel, une fête qu'on regarde dans son salon, explique M. Laporte. On a effectué ce virage au prix de la visibilité de la fête. Ce n'est plus la quête de la grosse foule... même si ça faisait de belles photos. »

La Société Saint-Jean Baptiste (SSJB) siège au comité de la Fête nationale qui, à Montréal et à Laval, a organisé un nombre record de fêtes de quartiers dans la métropole et ses environs, soit 102. Point positif de ces fêtes à plus petite échelle : elles sont plus familiales et les dérapages sont moins fréquents, selon Ian Lafrenière, porte-parole du Service de police de la Ville de Montréal.

Fête non partisane

Le président du MNQ, Gilles Laporte, est convaincu que les célébrations un peu plus calmes et le manque de bénévoles des dernières années ne sont pas liés à la baisse de popularité du Parti québécois et de la souveraineté.

Même si les deux organismes derrière les comités organisateurs de la Fête nationale (le MNQ et la SSJB) sont aussi des mouvements nationalistes souverainistes, ils insistent pour dire que les deux missions sont bien distinctes.

Gilles Laporte et Maxime Laporte, président de la SSJB, soulignent que l'organisation de la Fête nationale est encadrée par des protocoles et n'a jamais servi à faire la promotion de l'indépendance.

Ils reconnaissent toutefois qu'elle est, selon les années, teintée par le contexte politique.

« La fête est un baromètre, comme le grand rassemblement lors de la fête de 1990, au lendemain de l'échec de l'accord du Lac Meech [sur la signature de la Constitution par le Québec] », explique Gilles Laporte. Cette année-là, la parade s'était transformée en manifestation. « Ce n'est pas commandé par la fête, mais elle devient la caisse de résonance de ce qui se passait dans la société. »

C'est aussi un des plus beaux souvenirs de Fête nationale du chanteur Paul Piché.

« On a beau dire, tu peux faire la Saint-Jean comme tu veux, mais si tu la fais nationaliste, elle pogne plus. »

Cette année, malgré la défaite électorale et un projet de loi sur la charte des valeurs qui a divisé les Québécois, Bernard Drainville, député péquiste, dit avoir le coeur à la fête.

« C'est encore plus important dans une année électorale où on s'est divisé, dit-il. C'est la fête de tous les Québécois, et ça reste une fête très consensuelle. Pendant 24 heures, on ne fait pas de distinction entre souverainistes et fédéralistes, et c'est bien comme ça », explique-t-il.

« Pour moi, c'est une grande fierté d'être québécois, et ce n'est pas une fête politique, c'est une fête de reconnaissance des Québécois », ajoute Robert Poëti, ministre libéral responsable de la métropole.