Les femmes autochtones disparues ou assassinées sont surreprésentées dans la population canadienne, mais le taux de résolution des homicides par la police est presque identique chez les femmes autochtones et les femmes non autochtones, indique un rapport de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) dévoilé vendredi.

Le rapport de 22 pages sur les femmes autochtones disparues ou assassinées brosse un portrait sombre de pauvreté, de chômage et d'autres facteurs qui requièrent, selon la GRC, des actions de tous les Canadiens.

«Nous avons encore beaucoup de questions sans réponses. Mais je crois que ce projet de recherche, cet aperçu opérationnel, est un excellent premier pas (...) J'espère qu'il contribuera au débat plus large au pays», a affirmé en conférence de presse, vendredi, à Winnipeg, la sous-commissaire des Services de police contractuels et autochtones de la GRC, Janice Armstrong.

Frances Chartrand, de la Fédération des Métis du Manitoba, espère que les conclusions mèneront maintenant à des gestes concrets, notamment plus de services pour les femmes dans les communautés autochtones à travers le pays. «Comment s'attaquer aux racines (des problèmes)? Nous avons besoin de programmes et de services au niveau local», a-t-elle estimé.

Le rapport dénombre 1181 cas de femmes autochtones disparues ou assassinées depuis 1980. Ce nombre est considérablement plus élevé que ce que montraient des évaluations précédentes, et la GRC a dit prendre des mesures dans le but de résoudre davantage de cas.

L'«Aperçu opérationnel national» indique que 16% des femmes victimes d'homicides et 11,3 % des femmes disparues au pays étaient des Autochtones, soit trois à quatre fois plus que le pourcentage de femmes autochtones au sein de la population canadienne, qui était de 4,3%.

Le commissaire de la GRC Bob Paulson a soutenu qu'il ne fallait pas «perdre de vue l'aspect humain» de ces cas, et a fait appel aux partenaires de la GRC et aux collectivités, pour «travailler main dans la main afin de trouver des solutions à ce problème».

Des agresseurs différents

Des différences marquées sont constatées au chapitre des circonstances dans lesquelles les femmes sont victimes de violence.

Le rapport indique que les femmes autochtones risquent davantage d'être tuées par une connaissance, et risquent moins de l'être par un conjoint. Par ailleurs, elles risquent davantage d'être tuées par une personne avec un dossier criminel (71%, contre 45 pour les non-Autochtones), et par une personne dépendant de l'aide sociale (24%, contre 10 pour les non-Autochtones).

Le document indique également que l'on retrouve davantage de femmes autochtones assassinées avec un dossier criminel, sans emploi ou ayant consommé des substances intoxicantes avant leur mort que chez les non-Autochtones.

«Il n'est absolument pas dans notre intention de porter un quelconque blâme à la victime, mais la réalité est qu'il y a des circonstances économiques et sociales difficiles qui doivent être prises en compte et doivent être discutées si l'on veut avancer», a estimé le directeur des Services nationaux de police autochtones et de la prévention du crime à la GRC, Tyler Bates.

Le rapport indique qu'une petite minorité de femmes autochtones disparues ou assassinées était des travailleuses du sexe - 12% contre 5% chez les femmes non-autochtones.

Le document semble par ailleurs répondre aux critiques de certains sur l'importance accordée par la police aux décès de femmes autochtones. Ainsi, il est indiqué que les corps policiers à travers le pays ont résolu 88% des cas d'homicides chez les femmes autochtones depuis 1980, par rapport à 89% des cas chez les femmes non autochtones.

Enquête nationale ?

La GRC a affirmé partager ces nouvelles données avec d'autres corps policiers et avoir demandé à ses propres divisions de réviser tous les dossiers en traitement. Elle a aussi promis d'ajouter des ressources d'enquête là où cela sera jugé nécessaire.

Plusieurs voix se sont élevées ces derniers temps en faveur d'une commission d'enquête nationale sur les femmes autochtones disparues ou assassinées. Le rapport semble avoir fait peu pour apaiser ces appels, et a suscité de nouveaux échanges à la Chambre des communes.

«Les politiques conservatrices et les programmes ne fonctionnent pas, alors est-ce qu'ils écouteront finalement les familles et les Canadiens à travers le pays et déclencheront une enquête publique nationale?», a lancé la députée néo-démocrate Nycole Turmel.

«Le temps est à l'action, et non à celui d'étudier encore la question», a répondu le secrétaire parlementaire du ministre de la Justice, Bob Dechert. Il a évoqué de récentes augmentations du financement pour combattre la violence familiale.

L'Assemblée des Premières Nations a fait valoir qu'une enquête publique contraindrait le gouvernement à s'attaquer au problème en améliorant notamment les refuges pour les femmes et certains autres programmes.

«Bien qu'il y ait eu plusieurs rapports et conclusions à ce jour, une commission d'enquête publique nationale appellerait à des actions immédiates, construirait sur les données existantes et s'attarderait aux raisons expliquant pourquoi les recommandations existantes n'ont pas encore été mises en vigueur», a dit par communiqué le chef régional de l'Assemblée des Premières Nations en Alberta, Cameron Alexis.

Lundi, le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, James Anaya, exhortait le gouvernement Harper à mener une enquête nationale, parlant plus globalement de problèmes de droits des Autochtones ayant pris «des proportions de crise».