La Cour d'appel fédérale a confirmé jeudi que les Métis sont des «Indiens» en vertu de la Constitution canadienne.

Mais en ce qui concerne les «Indiens non inscrits», qui cherchaient aussi à avoir cette reconnaissance légale, le Cour d'appel fédérale n'a pas voulu rendre un jugement déclaratoire en leur faveur. Leur situation est ainsi moins solide, croit le professeur de droit Sébastien Grammond, de l'Université d'Ottawa.

La Cour d'appel fédérale a ainsi infirmé en partie la décision de la Cour fédérale, qui avait rendu un tel jugement et déclaré en janvier 2013 que les Métis, tout comme les Indiens non inscrits, étaient des «Indiens» selon les lois constitutionnelles.

La conséquence de cette décision unanime rendue jeudi par la Cour d'appel est que le gouvernement fédéral a ainsi juridiction sur les Métis, qui sont environ 450 000 au Canada. Ceux-ci auront désormais un interlocuteur pour négocier - et cesseront de se faire dire par Ottawa de plutôt discuter de leurs droits avec les provinces.

Car le jugement ne leur accorde pas automatiquement des droits, précise M. Grammond. Bref, le fédéral a la compétence de légiférer, dit le jugement, mais il ne prévoit pas l'obligation de le faire.

Le Ralliement des Métis a applaudi la décision. «Elle renforce la position que nous soutenions depuis longtemps, à savoir que c'est le gouvernement fédéral qui a la responsabilité constitutionnelle de discuter avec les Métis», a déclaré par communiqué le président Clément Chartier.

Cette décision de la Cour d'appel fédérale s'inscrit dans la longue bataille menée par les Métis et les non-inscrits pour avoir la même reconnaissance que les «Indiens», tels qu'ils étaient alors nommés dans la Constitution. Pour eux, la bataille visait aussi les privilèges qui viennent avec cette reconnaissance.

L'action a été intentée en Cour fédérale en 1999 par le chef métis Harry Daniels, une Indienne non inscrite et le Congrès des peuples autochtones.

Ceux-ci ont demandé à la Cour un jugement déclaratoire qui viendrait préciser leur statut.

Plus précisément, leur demande visait à faire reconnaître que les Métis et les Indiens non inscrits sont des «Indiens» au sens de l'article 91(24) de l'acte constitutionnel de 1867, alors qu'ils n'y sont pas mentionnés.

Ils prétendaient qu'en raison du refus du gouvernement fédéral de reconnaître que les Métis et les Indiens non inscrits sont des «Indiens», ceux-ci font l'objet de privations et de discrimination. Notamment, ils n'ont pas accès aux avantages en matière de soins de santé et d'éducation, ils font l'objet de poursuites criminelles pour avoir exercé leurs droits ancestraux de chasse et de pêche et sont privés du droit de négocier avec Ottawa en ce qui concerne leurs droits ancestraux.

Le fédéral s'opposait à leur demande pour de nombreux motifs. Selon le gouvernement, les Métis ne sont pas et n'ont jamais été considérés comme des «Indiens», le groupe des «Indiens non inscrits» n'existe pas en droit et il n'y a eu aucune discrimination à leur égard.

La Cour d'appel a apporté bon nombre de précisions jeudi.

En ce qui concerne les Métis, elle a souligné qu'ils sont un peuple autochtone distinct. Et que dorénavant, ils seront sous l'égide du fédéral.

La définition - et donc la situation juridique des Indiens non inscrits - est plus complexe et nuancée.

«Il est convenu que les Indiens non inscrits sont, de manière générale, des Indiens n'ayant pas de statut au titre de la Loi sur les Indiens», écrit la Cour d'appel fédérale sous la plume de la juge Eleanor Dawson.

Ils sont dans des situations diverses, et ne formant pas un groupe uniforme, leur reconnaissance comme «Indiens» devra se faire au cas par cas.

«Il s'ensuit que les Indiens non inscrits, en tant que groupe, ne se prêtent pas au jugement déclaratoire d'application générale sollicité par les intimés», ajoute la juge.

Mais le jugement ne dit pas clairement que les Indiens non inscrits sont sous la responsabilité du fédéral. Il rapporte toutefois une «admission» du fédéral à cet égard.

«La façon dont c'est formulé pourrait plus facilement légitimer l'inaction du fédéral» à l'égard des Indiens non inscrits, a indiqué le professeur Grammond, qui croit que plusieurs interprétations pourraient être données à cette portion de la décision.

Il est aussi bon de préciser que le jugement déclaratoire n'accorde pas aux Métis le «statut d'Indien» tel que conféré par la Loi sur les Indiens, avec tous les avantages que ce statut comporte, comme certaines exemptions de taxes et d'impôts, dit M. Grammond.

Au bureau du ministre des Affaires autochtones, Bernard Valcourt, on ne voulait pas dire, jeudi, si le fédéral allait en appeler de ce jugement devant la Cour suprême.

«Nous sommes satisfaits que la Cour (d'appel) ait accueilli en partie notre appel, et nous analysons tous les éléments de la décision pour déterminer les prochaines étapes», a indiqué une porte-parole du ministre, Erica Meekes, dans un courriel.

Elle a aussi justifié la décision du gouvernement d'avoir porté le jugement original en appel.

«Considérant que la décision de la Cour fédérale soulevait des points de droit complexes, il était prudent pour le Canada d'obtenir un jugement d'une cour plus supérieure.»

Au dernier recensement, en 2011, environ 450 000 personnes ont déclaré être Métis et plus de 210 000 autres, des Autochtones non inscrits.