La Commission de vérité et réconciliation, responsable de recueillir les histoires d'anciens élèves des pensionnats autochtones, a enregistré son dernier témoignage, après près de quatre ans d'audiences publiques.

Des milliers de victimes ont partagé les souvenirs troublants des abus subis dans ces écoles.

Ces histoires forment dorénavant les archives - filmées - d'un des chapitres les plus sombres de l'histoire canadienne.

Pour certains représentants des communautés autochtones canadiennes, toutefois, le fait de raconter ces histoires a permis de faire naître une lueur d'espoir et a soulagé beaucoup de tensions.

«À plusieurs reprises, c'est ma propre histoire qui était racontée devant moi, et c'est devenu très difficile émotionnellement parce que je dois aussi gérer cela personnellement, a confié à La Presse Canadienne le commissaire, avocat et chef Wilton Littlechild, également un ancien pensionnaire. En même temps, cela m'a aidé dans mon propre processus de guérison.»

«Beaucoup ont guéri simplement en racontant leur histoire», considère Vicki Crowchild, 80 ans, membre de la nation Tsuu T'ina située à l'extérieur de Calgary. Le fait de témoigner, alors que son agresseur lui avait dit que personne ne la croirait, lui a été extrêmement bénéfique.

Sous la direction du juge Murray Sinclair, la commission a visité plus de 300 communautés depuis le début des audiences, à Winnipeg en juin 2010.

Depuis le début du siècle dernier, environ 150 000 enfants autochtones, inuits ou métis ont été retirés de leur famille et forcés d'aller dans ces écoles religieuses. Le dernier pensionnat autochtone, près de Regina, a fermé en 1996.

Selon les histoires recueillies par la commission, les enfants était envoyés à des centaines de milliers de kilomètres de chez eux, sans contact avec leur famille, parfois durant des années. Les frères et soeurs étaient séparés et punis pour toute démonstration d'affection.

Les survivants se souviennent qu'ils étaient constamment affamés, qu'ils se faisaient battre, fouetter et abuser sexuellement. Beaucoup sont morts, des suites de maladies, certains de causes mystérieuses. D'autres encore se sont suicidés.

Et le tort que ces traitements ont porté aux survivants traverse le temps.

«Lorsque je suis sortie du pensionnat, lorsqu'il a finalement fermé, je suis rentrée dans une communauté composée à 95 pour cent d'alcooliques, a raconté Martha Marsden, une ancienne élève d'un pensionnat de l'Alberta. C'est ainsi que nos parents réagissaient au fait que leurs enfants leur étaient arrachés des bras.»

En 2007, à la suite d'un recours collectif, Ottawa a présenté ses excuses officielles et mis sur pied la Commission de vérité et réconciliation, qui représente une dépense de 60 millions de dollars pour le gouvernement, afin d'établir le bilan historique de cette tragédie et ses conséquences.

La commission s'est souvent trouvée en désaccord complet avec le fédéral. Des disputes se sont retrouvées devant les tribunaux. Des juges ont sévèrement critiqué le gouvernement de ne pas remettre des témoignages. La semaine dernière, encore, Stan Loutit, le grand chef du conseil Mushkegowuk, a demandé au ministre de la Justice, Peter MacKay, de congédier des avocats du gouvernement pour retenir des informations liées au tristement célèbre pensionnat St.Anne, à Fort Albany, en Ontario.

Le président de la Commission de vérité et réconciliation lui-même s'est plaint il y a quelques jours qu'Ottawa supprimait un programme de soutien aux victimes des pensionnats.

Malgré tout, la fin de cette phase de travaux suscite l'optimisme de certains.

M. Littlechild et Calvin Bruneau de la communauté albertaine Papaschase perçoivent tous deux un début de réconciliation entre le gouvernement et les peuples autochtones.

«J'espère que cela nous mènera à des meilleures relations en général entre les Premières Nations et le gouvernement», a exprimé M. Bruneau.

Il faudra maintenant plus de deux ans pour réécouter plus de 6500 témoignages durant de 10 minutes à cinq heures. La commission doit livrer un rapport en juin 2015.