Les groupes d'intervention en itinérance peuvent enfin respirer: Ottawa et Québec viennent d'en arriver à une entente temporaire sur le financement de ces organismes - alors que plusieurs craignaient de devoir mettre la clé sous la porte dès avril.

Il s'agit d'une rare bonne nouvelle pour les ressources soutenant les personnes vivant dans la rue, au moment où la mort d'un itinérant tombé lundi sous les balles d'un policier à Montréal fait fortement réagir.

La Presse Canadienne a appris que les deux paliers de gouvernement se sont entendus pour reconduire les fonds de la Stratégie des partenariats de lutte contre l'itinérance (SPLI) pour 2014-2015.

La ministre déléguée aux Services sociaux, Véronique Hivon, a indiqué en entrevue que Québec avait bouclé une entente avec le gouvernement conservateur sur un dossier qui traînait depuis près d'un an. La partie n'est toutefois pas gagnée, puisque cet accord ne s'applique qu'à la prochaine année financière.

«C'est un grand soupir de soulagement que tout le monde pousse, autant nous que le milieu, en voyant que pour l'année qui va débuter au 1er avril, les services aux personnes itinérantes sont assurés», a-t-elle signalé.

Au dernier budget fédéral, Ottawa avait annoncé qu'il orientait 65 pour cent des budgets alloués à la lutte contre l'itinérance vers le projet Logement d'abord, qui vise à fournir aux sans-abris des logements permanents, souvent auprès de propriétaires privés. Québec et les organismes d'aide avaient sursauté, jugeant que cette recette unique s'appliquait mal à la province.

Les ressources fournissant des refuges temporaires ou des services de prévention par le travail de rue craignaient de devoir sabrer dans leurs budgets, voire de carrément fermer. Il s'agit d'une enveloppe annuelle de 15 millions $ pour le Québec.

«Il y a vraiment un maintien des projets actuels, ce qui permet la continuité des services auprès des personnes itinérantes. On a obtenu cette garantie-là (d'Ottawa)», s'est réjouie Mme Hivon.

Pas gagné pour Québec

La ministre note que les négociations se poursuivent pour les années suivantes, alors qu'Ottawa n'a toujours pas renoncé à son plan pour 2015 et les années suivantes.

«Je ne crie pas victoire, parce qu'il reste beaucoup de travail à faire pour l'entente globale», a-t-elle nuancé.

Le programme Logement d'abord a offert de bons résultats par le passé et ailleurs au pays. Selon le gouvernement fédéral, deux ans après le début d'un projet de recherche comptant 280 itinérants à Montréal, près de 80 pour cent des participants étaient toujours logés.

Ni Québec ni les organismes d'aide ne contestaient les vertus du programme. Seulement, ils déploraient qu'il ne vienne en aide qu'aux itinérants de longue date, faisant peu de cas des personnes momentanément en difficulté et ne contribuant en rien à la prévention. D'où la campagne qu'ils ont menée depuis près d'un an.

«Nous, ce qu'on souhaite, c'est que ça revienne aux communautés de choisir, que Logement d'abord ne soit pas imposé, mais que ce soit juste l'une des options», avait souligné Anne Bonnefont du Réseau solidarité itinérance du Québec (RSIQ) en entrevue en janvier.

Des refuges, comme L'Abri de la Rive Sud, qui offre un total de 21 lits aux hommes et femmes en difficulté, confiaient pour leur part craindre de devoir réduire leur capacité, ou même fermer leurs portes.

«La SPLI, c'est 60 pour cent de notre financement, ce qui veut dire qu'on serait carrément obligés de fermer nos services. Ce qui veut dire qu'il n'y en aura plus, de refuge pour personnes itinérantes sur la Rive Sud», déplorait sa directrice, Lucie Latulippe.

La ministre d'État au Développement social, Candice Bergen, avait toutefois voulu se faire rassurante, sans pour autant annoncer qu'elle renonçait à imposer un certain pourcentage de la SPLI au programme Logement d'abord.

«Nous voulons que les modèles qui ont fait leurs preuves soient utilisés, mais en même temps, nous respectons les communautés et les connaissances qu'ont les gens sur le terrain», avait-elle soutenu.

La ministre Hivon espère qu'un accord quinquennal sera conclu avec Ottawa pour le printemps.

Entre-temps, elle déposera une politique sur l'itinérance, assortie d'un plan d'action. Les services aux personnes atteintes de problèmes de santé mentale et la formation des intervenants devraient être au coeur de cette législation qui serait dévoilée d'ici la fin du mois.

La ministre Hivon espère qu'un accord quinquennal sera conclu avec Ottawa pour le printemps.