Après avoir fui la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) des Laurentides - en l'accusant de «persécution» -, les juifs ultraorthodoxes de Lev Tahor se plaignent maintenant des services sociaux ontariens.

Dans une lettre envoyée à La Presse hier, une adolescente de 17 ans s'indigne du fait que la Société d'aide à l'enfance de Chatham-Kent veuille lui enlever son bébé de 4 mois et retirer à ses propres parents la garde de ses frères et soeurs. «Dois-je divorcer de mon mari? Mon bébé a une mère et un père qui vivent dans l'harmonie, et ils veulent lui enlever cela? Quelle brutalité. Ce sont des protecteurs de l'enfance ou des agresseurs d'enfants?», écrit-elle dans une missive soigneusement manuscrite et numérisée.

«Cri du coeur»

Dans ce qu'elle qualifie de «cri du coeur», la jeune fille trace un portrait si idyllique de sa vie maritale et familiale qu'il est totalement impossible à réconcilier avec le tableau brossé à son sujet en Cour du Québec.

Le 27 novembre, trois travailleuses sociales et un ancien membre de la communauté ont convaincu le tribunal que l'adolescente, son bébé, ses sept frères et soeurs et les cinq enfants d'une autre famille étaient tous en péril et devaient donc être placés sur-le-champ en famille d'accueil. Leurs récits troublants (toujours frappés d'un interdit de publication) semblent avoir galvanisé les services sociaux ontariens, qui ont transporté la bataille au palais de justice de Chatham-Kent. Ils espèrent qu'un juge entérinera l'ordonnance québécoise le 3 février prochain; auquel cas, les 14 enfants visés déménageraient dans des familles d'accueil hassidiques de Montréal et des Laurentides.

«C'est un désastre! Ceci n'est pas une affaire privée. C'est une histoire de droits religieux et d'éducation. L'opinion publique doit s'exprimer et aider les innocents à se faire justice», écrit l'aînée des enfants dans sa lettre.

«Elle est tellement inquiète pour son bébé qu'elle voulait d'abord écrire au juge, a précisé l'un des dirigeants du groupe, Uriel Golman. Mais son avocat lui a finalement déconseillé de parler publiquement.»

Après avoir fui Sainte-Agathe-des-Monts pour Chatham-Kent au beau milieu de la nuit, le 18 novembre dernier, les dirigeants de Lev Tahor s'attendaient à vivre à leur guise, convaincus que les lois ontariennes étaient plus permissives. Et que les Québécois avaient «grossi de petits problèmes hors de proportion».

Les choses ne se sont pas passées comme ils l'espéraient. En plus de prôner le placement des 14 enfants déjà ciblés par la DPJ des Laurentides, les services ontariens ont temporairement retiré deux autres bambins à leurs parents. Pour les récupérer, ces derniers ont dû s'engager en cour à renoncer aux châtiments corporels, à être suivis en santé mentale et à ne plus quitter la région.

La DPJ des Laurentides et l'avocat ontarien du groupe n'ont pas voulu commenter les derniers rebondissements de l'affaire.

- Avec la collaboration d'Audrey Ruel-Manseau