Le ministère de la Défense a révélé mercredi l'identité du militaire de la base de Valcartier décédé le 2 décembre, dans ce qui semble être le quatrième suicide d'un militaire canadien en une semaine.

Il s'agit du caporal-chef Sylvain Lelièvre, du 3e bataillon du Royal 22e Régiment.

Un porte-parole du ministère de la Défense a indiqué que le caporal-chef Lelièvre est mort sur la base et que la police militaire avait ouvert une enquête.

Sylvain Lelièvre s'est joint aux Forces armées canadiennes en juin 1985 et a été en mission en Bosnie-Herzégovine de 2001 à 2002, puis à nouveau en 2004. Il a également servi en Afghanistan de 2010 à 2011.

Selon certains observateurs et des groupes de défense des anciens combattants, le nombre de suicides récents au sein des Forces canadiennes pourrait n'être que la pointe de l'iceberg.

Les trois autres suicides présumés survenus depuis une semaine se sont produits en Ontario, au Manitoba et en Alberta.

L'affaire a soulevé de nombreux commentaires à Ottawa.

Le ministre de la Justice et ex-ministre de la Défense, Peter MacKay, a bien tenté de faire preuve d'empathie.

«C'est absolument tragique, a-t-il indiqué. On a continué de faire plus pour soutenir les familles, particulièrement les soldats qui avaient des afflictions mentales», a soutenu le ministre lorsqu'il a été interrogé à l'entrée du caucus conservateur, mercredi matin.

Le sénateur libéral et général à la retraite Roméo Dallaire, sans doute le plus célèbre des militaires canadiens atteints du syndrome de stress post-traumatique (SSPT), a toutefois réagi avec une certaine amertume à ces propos, à l'entrée du comité sénatorial de la Défense.

«C'est vrai qu'il (le gouvernement) en fait beaucoup, mais faire beaucoup, ça dépend. Comme m'a dit quelqu'un: on fait beaucoup pour entretenir notre équipement et notre pourcentage est de 85 pour cent de nos véhicules qui fonctionnent. Ça, c'est correct quand tu parles d'un camion. Mais quand tu parles des êtres humains, la seule solution, c'est 100 pour cent.»

Le général Dallaire a percuté une barrière de circulation sur la colline parlementaire à Ottawa mardi après s'être assoupi au volant. Il a par la suite expliqué que la nouvelle des trois présumés suicides de militaires et l'approche du 20e anniversaire du génocide rwandais l'avaient affligé d'insomnie que même sa médication n'a pas réussi à vaincre.

En point de presse, mercredi, le chef du Parti libéral Justin Trudeau a déploré que les vétérans ne bénéficient pas de toute l'aide financière et psychologique dont ils auraient besoin à leur retour au pays.

«Nous n'en faisons pas assez pour protéger les vétérans et leur famille qui reviennent et se trouvent en situation de difficulté. Je ne veux pas en faire une grosse chicane politique non plus, on pousse depuis longtemps pour que le gouvernement traite avec un peu plus de compassion et d'appui nos vétérans», a-t-il déclaré, ajoutant qu'il fallait offrir davatange de services en santé mentale pour les anciens soldats et leurs proches.

Le chef de l'opposition néo-démocrate, Thomas Mulcair, s'est cependant montré plus incisif en invitant le gouvernement Harper à en faire davantage pour ses militaires et ses anciens combattants que de simplement les utiliser pour mousser sa publicité.

«Les conservateurs aiment bien poser avec nos militaires, mais il faut qu'ils commencent à poser des gestes pour protéger nos militaires. Les conservateurs sont en train de fermer neuf bureaux régionaux qui donnent des services à nos militaires. C'est une contradiction flagrante», a affirmé M. Mulcair aux Communes.

Le chef du NPD a par ailleurs invité le ministère de la Défense nationale à embaucher rapidement davantage de psychologues et de psychiatres, en plus de revenir sur la décision de fermer les bureaux de services aux anciens combattants, une demande qu'il a par la suite adressée directement au premier ministre en Chambre.

Stephen Harper a toutefois répliqué que, même si les bureaux avaient fermé les services, eux, étaient toujours disponibles.

«Ces services sont disponibles aux bureaux de Service Canada à travers le pays. Ce gouvernement investit beaucoup plus dans les services pour nos anciens combattants», a déclaré M. Harper, qui a invité tant les militaires affectés que leur entourage à se prévaloir des services en question. «C'est la responsabilité de nous tous d'encourager ceux et celles qui ont besoin d'aide de chercher de telle aide. On comprend toujours la difficulté des expériences de nos militaires et des services sont disponibles pour eux.»

Le ministre de la Défense, Rob Nicholson, a ajouté en chambre que le gouvernement avait doublé le nombre de professionnels de la santé et a lui aussi cherché à remettre une part de la responsabilité d'obtenir de l'aide entre les mains de ceux qui en ont besoin.

«Le suicide est une tragédie et nous avons tous un rôle à jouer afin de tendre la main vers ceux qui sont en détresse et les encourager à chercher de l'aide. Les Forces armées ont une ligne téléphonique d'aide et de référence sans frais disponible 24 heures sur 24. J'implore tous ceux qui sont en crise de chercher de l'aide», a déclaré le ministre Nicholson.

Pour sa part, l'ombudsman des vétérans, Guy Parent, qui se présentait également au comité sénatorial de la Défense, a cherché à avancer un début d'explication derrière cette apparente série de suicides, estimant que la méconnaissance des programmes de transition offerts aux militaires qui quittent l'armée serait l'une des causes de cette détresse.

«C'est de la peur de quitter, parce qu'on voit simplement les occasions qu'on perd, mais on ne voit pas les occasions qui nous sont offertes avec ces programmes-là parce qu'on ne connaît pas très bien les programmes et les bénéfices.»

James Bezan, secrétaire parlementaire du ministre de la Défense Rob Nicholson, a fait valoir que les efforts de son gouvernement en ce sens étaient bien réels.

«Le ministre des Anciens combattants (Julian Fantino) travaille en étroite collaboration avec le ministre (de la Défense, Rob) Nicholson, et ils ont proposé une législation pour s'assurer que les anciens combattants qui ne sont plus au service du Canada auront la priorité pour être réembauchés au ministère de la Défense nationale et dans d'autres emplois du secteur public.»