La députée Orly Lévy-Abecassis est présidente du comité des droits de l'enfant à la Knesset, le parlement israélien. Dans le cadre d'une commission d'enquête, elle a recueilli plusieurs témoignages de membres de la secte Lev Tahor et de proches des familles. Elle tire le signal d'alarme au sujet de la secte qui a défrayé la manchette au Québec ces derniers jours en fuyant vers l'Ontario, en pleine nuit, à la veille d'une intervention de la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) dans la communauté établie à Sainte-Agathe, dans les Laurentides.

Pourquoi avez-vous décidé de procéder à ces auditions?

Juridiquement, plusieurs des membres de Lev Tahor et leurs enfants sont Israéliens. Il est donc du devoir de notre État de savoir exactement ce qui se passe là-bas et de collaborer avec les autorités canadiennes pour faire cesser les mauvais traitements et pour mettre les enfants à l'abri. J'ai dû mal à comprendre que les autorités israéliennes n'aient pas fait tout ce qui était en leur pouvoir pour enquêter sur cette secte. Nous avons appris que des dérives sont connues depuis plusieurs années au Canada. Or, nous commençons seulement à réagir. C'est pourquoi nous avons décidé de réunir des témoignages afin d'alerter à la fois l'opinion publique et les autorités.

Quel est le résultat de vos investigations à ce jour?

Nous avons recueilli plusieurs témoignages. Ils glacent le sang. La plupart des personnes auditionnées sont des proches de membres de la secte, mais d'autres en faisaient carrément partie,  comme le fils d'un des rabbins-dirigeants, dont je ne peux révéler le nom. Tous dénoncent des actes de violence, des mariages forcés et de la maltraitance des enfants. Le fils du rabbin nous a, par exemple, raconté qu'on l'avait frappé à coups de marteau sur les jambes et qu'il avait dû se rendre à l'hôpital en expliquant qu'il était tombé dans les marches. 

On nous a aussi raconté qu'une femme avait été empêchée de voir son enfant durant deux ans parce qu'elle commençait à remettre en cause le fonctionnement de la secte. Nous avons de nombreux témoignages évoquant des châtiments corporels particulièrement cruels comme ces enfants obligés de rester des heures avec les mains dans la neige ou encore ces véritables lavages de cerveau imposés aux plus jeunes. L'un des membres de la secte a tenté de fuir en Jordanie pour échapper aux poursuites judiciaires. Vous vous rendez compte: il avait fait traverser le Jourdain à la nage à ses enfants! Heureusement, il a été repris. C'est le signe que nous commençons à prendre les choses en main.

Les dirigeants de Lev Tahor ont mis en garde les autorités israéliennes contre les sentiments antisémites que susciterait le type de propos que vous tenez. Qu'en pensez-vous?

Je ne suis évidemment pas antisémite et à notre commission siègent des députés qui sont eux-mêmes des juifs très pratiquants. Et ils sont les premiers à considérer que cette affaire est une honte pour le judaïsme. Ce que font ces gens n'a, bien entendu, rien à voir avec la religion. Nous avons le devoir de mener une enquête approfondie sur cette secte et de châtier les responsables.

Pourquoi, selon vous, cette secte a-t-elle décidé de quitter Israël pour s'installer au Canada?

Ces gens-là profitent de la souplesse des lois canadiennes, du respect des libertés individuelles en vigueur dans votre pays. S'ils ont quitté Israël pour aller vivre au Canada, c'est qu'ils savaient que, là-bas, ils seraient moins surveillés, moins facilement inquiétés par la justice. Je vous conseille de vous montrer très vigilants car d'autres groupes sectaires, attirés par cet esprit de tolérance, pourraient trouver refuge chez vous. Mais désormais, l'urgence est de collaborer pleinement sur ce dossier pour sauver les enfants victimes de cette secte. Chaque jour compte.