Les minorités sont surreprésentées dans les prisons du Canada, et les pratiques d'embauche du personnel carcéral ne reflètent toujours pas cette nouvelle réalité.

Dans son rapport annuel déposé mardi au Parlement, l'Enquêteur correctionnel du Canada, Howard Sapers, souligne que près du quart des détenus sont autochtones, bien que les Autochtones ne représentent que 4% de la population canadienne.

Et l'augmentation de la population carcérale des dernières années est «presque exclusivement» liée au nombre croissant de détenus autochtones ou appartenant à une minorité visible, poursuit-on dans le rapport.

Au cours des 10 dernières années, la population carcérale d'origine autochtone a augmenté de 46,4 %, alors que les groupes de minorités visibles - soit les Noirs, les Asiatiques et les Hispaniques - ont augmenté d'environ 75%.

Par ailleurs, la surreprésentation des prisonniers noirs dans les établissements canadiens est encore plus lourdement marquée dans les pénitenciers à sécurité maximale.

Chez un certain nombre d'agents du Service correctionnel, il est fréquent d'observer un «comportement discriminatoire et des attitudes préjudiciables» à l'endroit des détenus noirs, déplore-t-on dans le rapport.

«(Les Noirs) sont surreprésentés dans les placements en isolement, ils font l'objet d'un nombre disproportionné d'accusations d'infractions disciplinaires (...) et [sont] plus susceptibles que les autres détenus d'être impliqués dans des incidents de recours à la force, et sont libérés plus tard au cours de leur peine», a expliqué en point de presse la directrice des enquêtes au Bureau de l'enquêteur correctionnel, Marie-France Kingsley.

M. Sapers a ajouté que certains détenus noirs s'étaient plaints de discrimination et affirment être marginalisés par le système correctionnel.

Il a notamment cité en exemple un incident impliquant un groupe de lecture d'une prison dont la majorité des participants étaient noirs. Le livre à l'étude était Les Aventures de Huckleberry Finn de Mark Twain, un classique de la littérature américaine qui emploie toutefois un vocabulaire raciste, précise-t-on dans le rapport.

«Les prisonniers noirs devaient lire à haute voix des propos racistes qu'ils ont qualifiés de «dégradants» et d'«humiliants», rappelle l'Enquêteur correctionnel.

M. Sapers recommande au gouvernement fédéral d'embaucher du personnel pour jeter des ponts entre les pénitenciers et les communautés culturelles de la société civile, et de développer un programme de formation sur la sensibilisation à la diversité culturelle.

Mais son rapport risque d'être rapidement «tabletté» à Ottawa, si l'on en croit la réaction initiale et lapidaire du ministre de la Sécurité publique, Steven Blaney, mardi midi.

«La seule minorité qui nous intéresse, me semble-t-il, c'est celle des criminels», a-t-il dit au nom de son gouvernement. «Les Services correctionnels ont amorcé plusieurs initiatives au cours des ans pour tisser des liens avec les communautés, et je crois que nous prenons soin de tous les détenus de façon juste et correcte.»