Des organisations féministes s'inquiètent de la banalisation de la violence envers les femmes et de l'influence de groupes antiféministes qui gagne du terrain, selon elles.

À l'occasion de la journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, un regroupement de féministes lance aujourd'hui une campagne de 12 jours sous le thème «Nier les inégalités met les femmes en danger».

«La violence envers les femmes s'exprime encore aujourd'hui dans une société qui se voit égalitaire et qui parfois nie les inégalités qui persistent», a déclaré Alexa Conradi, présidente de la Fédération des femmes du Québec (FFQ), dimanche.

Un problème majeur

Encore la semaine dernière à Montréal, une jeune femme a été battue à mort par son conjoint et des lesbiennes féministes ont été agressées par un groupe d'hommes, a illustré Mme Conradi. Selon la FFQ, 73% des victimes de cyberintimidation sont des femmes.

«Pourtant on n'arrive pas, ensemble, à la conclusion qu'il y a un problème majeur de société!», a déploré la présidente.

«La campagne est ciblée pour dénoncer les tentatives organisées ou subtiles, mais très présentes qui nient que la violence envers les femmes les maintienne dans un rapport de soumission», a renchéri Diane Matte, de la Concertation des luttes contre l'exploitation sexuelle (CLES).

Selon cette dernière, chaque fois que des féministes font une sortie, des groupes organisés s'assurent de dénigrer leur propos.

«Ils poursuivent nos groupes ou menacent de le faire, et ça commence à teinter les rapports avec le gouvernement. On ne peut plus parler de la spécificité de la violence envers les femmes sans se faire rappeler qu'il faut aussi des services pour les hommes», a souligné Mme Matte.

«Des antiféministes ont tenté d'avoir une injonction contre une campagne du gouvernement sur les agressions sexuelles parce qu'ils jugeaient que les statistiques étaient fausses. Et ça a des impacts», a poursuivi Louise Riendeau du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale.

Elles n'ont pas voulu nommer ces groupes masculinistes pour ne pas leur faire de publicité.

La campagne «Nier les inégalités met les femmes en danger» se tiendra sur 12 jours et plusieurs activités seront organisées. Ailleurs dans le monde, cette campagne s'étale sur 16 jours, mais le Québec a préféré conclure le 6 décembre pour commémorer la tuerie de L'École Polytechnique de Montréal, en 1989, où 14 femmes avaient été abattues.

Charte: Québec doit recadrer le débat

En outre, la présidente de la Fédération des femmes du Québec a interpellé le gouvernement de Pauline Marois afin qu'il encadre au plus vite le débat sur la Charte des valeurs, au lendemain d'un débat qui a mal tourné à l'UQAM.

«Les organisations et les personnalités publiques qui interviennent sur la Charte se doivent de baisser le ton et utiliser un langage plus mesuré... les conditions du dérapage sont largement remplies, a réagi Mme Conradi, hier. Le gouvernement a une responsabilité de réorienter la discussion, mais il doit reconnaître qu'il y a un problème.»

Samedi après-midi, Mme Conradi participait à un débat organisé par le Mouvement laïque du Québec. Les participants, dont plusieurs étaient pour l'interdiction des signes ostentatoires dans la fonction publique, ont hué à plusieurs reprises Mme Conradi pour ses positions divergentes. Les positions plus tranchées de Djemila BenHabid, qui a notamment affirmé que les femmes en niqab étaient du côté des oppresseurs, ont été chaudement applaudies.

Les rappels à la retenue ne produisant aucun effet, Mme Conradi a fini par claquer la porte, suivie quelques instants plus tard par le député de Québec solidaire Amir Khadir. La présidente de la FFQ voit dans cet épisode le signe d'un pourrissement du débat public.