Témoignage de Simon, en fugue depuis 3 mois.

De l'extérieur, la vie de Simon semblait tout à fait banale. Mais derrière les portes de la maison familiale de l'ouest de la ville, la situation était tendue, dysfonctionnelle. Des parents sévères, un adolescent rebelle. Les frictions s'accumulaient. Ses parents n'en pouvaient plus. À l'âge de 15 ans, Simon s'est retrouvé dans un centre jeunesse.

Les choses n'ont depuis cessé de dégénérer. «Mes parents voulaient décider pour moi. Pour eux, fumer du pot, c'était l'enfer», raconte Simon, un grand gaillard de 17 ans au visage poupin et aux cheveux courts, qui ressemble davantage à l'image qu'on se fait d'un premier de classe que d'un fugueur.

Il est un des jeunes hébergés par l'organisme montréalais Le Bunker, une oasis pour les fugueurs de 12 à 21 ans éparpillés dans la ville. Les jeunes peuvent y dormir dans l'un des dix-sept lits de la ressource pendant trois nuits. Ensuite, ils retournent à la rue et ne peuvent revenir frapper à la porte du Bunker qu'une semaine plus tard. Un adolescent détient le record de 200 nuitées, raconte un intervenant.

Le choc du centre jeunesse

Simon est en fugue depuis trois mois. Il a posé son sac à dos plusieurs fois au Bunker. Mais aujourd'hui, il est simplement venu faire son lavage.

Il décrit le choc du centre jeunesse la première fois qu'on y entre. C'est pire pour un bum de bonne famille, dit-il. «Tu ne connais personne, tu ne connais rien. Je trouvais ça triste pour les jeunes qui ont passé leur vie là, comme s'ils étaient embarrés dans un sous-sol», illustre Simon, qui comprend pourquoi les jeunes sont tentés de fuguer à l'adolescence, attirés par des désirs de liberté. «Pour eux, ce n'est rien d'autre qu'une expérience, le plus gros boost de liberté de leur vie.»

Lui-même estime l'avoir fait une douzaine de fois depuis qu'il est «dans le système».

Voler de ses propres ailes

Il pense étirer sa fugue jusqu'à ses 18 ans, dans six mois. Il pourra alors voler de ses propres ailes. Il dit fuguer pour mettre de la pression sur le centre jeunesse où il vit dans l'ouest de l'île. «Moi, je voudrais que le système me permette de sortir, de me trouver une job et un appartement.» Il a récemment perdu son emploi de nuit dans un supermarché.

Il consacre l'essentiel de son temps à faire la navette entre l'ouest de l'île et le Bunker, où il peut manger et faire son lavage. Il couche souvent chez des amis ou dans les vestibules d'immeubles résidentiels et de banques. Il avait de l'argent, mais explique s'être fait voler. Ses parents? Il préfère se débrouiller sans eux. «Ils disent que je suis un drogué. Je les appelle parfois. C'est tout de même un peu triste...» D'ailleurs, ses parents avaient eux-mêmes alerté la police la dernière fois qu'il était allé chez eux pour chercher des vêtements chauds.

S'il se fait prendre, il ne cessera pas de s'enfuir pour autant. «La vie est très déprimante au centre jeunesse, tu regardes la télé toute la fin de semaine.»

Dans la rue, il dit expérimenter pratiquement toutes les drogues, sauf le crack et l'héroïne. Malgré cette pente glissante, il a bon espoir de terminer son secondaire et de dénicher un boulot après sa fugue.

D'ici là, il se cache avec un seul objectif en tête: ne pas retourner au centre jeunesse, où il dit se sentir comme dans un entrepôt d'enfants abandonnés.