Le président de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), Michel Arsenault, a déclaré mardi qu'il n'y a pas de «gangrène» au sein du puissant syndicat.

En sortant d'une commission parlementaire, M. Arsenault s'est échauffé lors d'un point de presse où il a été question des liens entre la FTQ-Construction et la mafia.

Le chef de la centrale syndicale, qui a annoncé lundi qu'il quittera ses fonctions, a d'abord répété que le Fonds de solidarité de la FTQ avait refusé d'investir dans une entreprise qui était contrôlée par le crime organisé.

«Les dossiers de mafia dont on parle à la commission, on ne les a pas faits, a-t-il dit. Carboneutre, on ne l'a pas fait, la gangrène, on ne l'a pas faite. Nous ne l'avons pas fait, Carboneutre.»

Devant la Commission Charbonneau sur le secteur de la construction, des écoutes électroniques effectuées dans le cadre d'une enquête policière ont permis d'apprendre que M. Arsenault a fermé les yeux sur les liens entre des dirigeants de la FTQ-Construction et la mafia.

Les enregistrements d'une conversation de mars 2009 permettent d'entendre un conseiller lui parler de la «gangrène», pour commenter les liens entre un directeur général du syndicat affilié et un caïd de la mafia. M. Arsenault a alors répliqué qu'il n'était pas responsable de cette situation.

Pressé de dire s'il avait fermé les yeux sur ces liens, mardi, M. Arsenault a d'abord limité ses réponses au cas de Carboneutre, une entreprise dans laquelle le fonds, créé il y a 30 ans par la FTQ, n'a finalement pas investi. Puis, piqué, le chef syndical a défendu la réputation de la centrale.

«Il n'y a pas de gangrène à la FTQ, a-t-il laissé tomber devant les journalistes. Arrêtez donc de charrier, il n'y a pas de gangrène à la FTQ. La FTQ, c'est une centrale syndicale respectable.»

Aux députés qui se sont intéressés à la gouvernance du Fonds de solidarité de la FTQ, M. Arsenault a néanmoins admis qu'il avait fait une erreur en s'impliquant personnellement dans le suivi du dossier de montage financier de l'entreprise de décontamination de sols Carboneutre, qui sollicitait un investissement entre 2008 et 2009.

«C'était la première année où j'étais président de la FTQ et je ne referais plus ça parce que j'ai pris de l'expérience, avec ça, a-t-il dit. Les gens qui sont députés et ministres durant la première année, en tout cas ceux qui n'ont jamais fait d'erreur, je pense que c'est assez rare. Moi j'en fais des erreurs. J'étais fasciné par cette technologie pour dépolluer du terrain.»

M. Arsenault a affirmé qu'après avoir visité les installations de l'entreprise, il avait demandé au premier vice-président responsable des investissements au fonds, Gaétan Morin, de s'intéresser au dossier. Le chef syndical a reconnu qu'il avait commis un impair en se rendant sur place avant que l'évaluation soit complétée pour un dossier de financement.

«Ce que je me suis imposé comme discipline, (c'est que) je n'irai plus jamais visiter un lieu de travail avant qu'on investisse, a-t-il dit. J'ai fait une erreur, j'aurais dû attendre (de savoir) s'il y avait un investissement ou pas.»

Les représentants du Fonds de solidarité FTQ ont annoncé mardi aux députés que le comité exécutif de l'organisme, dont les actifs s'élèvent à 9,3 milliards $, recommandera aux administrateurs d'entreprendre une démarche de révision de sa gouvernance.

Mardi, la Coalition avenir Québec (CAQ) a réclamé des changements à la loi constitutive du fonds pour que ses administrateurs soient majoritairement indépendants, afin de dissiper les apparences de conflits d'intérêts. La CAQ souhaite aussi que le président du conseil d'administration ne soit plus, comme c'est la tradition, le président de la FTQ.

Libéraux et péquistes ont démontré une ouverture à améliorer la gouvernance du fonds, qui compte 617 000 cotisants qui reçoivent de généreux crédits d'impôt pour leur participation financière.

Mardi, M. Arsenault a aussi déclaré qu'il n'était pas intervenu concernant un investissement de 3 millions $ du fonds dans une entreprise, Capital BLF, dont l'un des actionnaires est le mari de la première ministre Pauline Marois.

«Je ne me souviens pas d'avoir parlé de ça à quelqu'un, a-t-il dit. Mais une chose est certaine, le cas de BLF, comme tous les autres cas, a passé à travers le système.»

M. Arsenault a assuré que les entreprises de l'entrepreneur en construction Tony Accurso, maintenant accusé de fraude, ont elles aussi suivi la filière prévue, sans intervention pour accélérer le processus d'évaluation.

En commission parlementaire, les dirigeants du fonds accompagnant M. Arsenault ont défendu l'intégrité de leurs mesures de gouvernance, revues en 2009, notamment à la lumière du cas Carboneutre.

Le président et chef de la direction du fonds, Yvon Bolduc, a fait valoir que des conseils sectoriels composés majoritairement de membres n'ayant aucun lien avec le fonds ou la FTQ ont un droit de veto sur les dossiers de demande de financement.

«C'est un deuxième pare-feu, si on peut dire, qui vient renforcer notre gouvernance, a-t-il dit. Avec un droit de veto et une majorité d'indépendants, on estime qu'on a vraiment mis en place une façon solide de renforcer la gouvernance au fonds.»

M. Arsenault, qui ne sollicitera pas de nouveau mandat lors de l'élection à la présidence syndicale prévue à la fin du mois, a fait l'objet d'une enquête de la Sûreté du Québec, mais aucune accusation n'a été portée contre lui, a-t-il rappelé aux députés.

En sortant de la commission parlementaire, M. Arsenault a affirmé que ce sont des policiers qui l'ont averti qu'il était sur écoute, dans le cadre de l'enquête Diligence sur l'infiltration du milieu de la construction par le crime organisé.

«Au printemps 2009, c'est des policiers qui sont venus me voir», a-t-il dit.