Marc Nadon devient officiellement juge à la Cour suprême du Canada, alors que ses déclarations sur son passé de hockeyeur soulèvent des questions.

Le premier ministre Stephen Harper a confirmé jeudi la nomination du juge québécois, 24 heures après sa comparution devant un comité spécial parlementaire où il a été interrogé par les députés.

«Les connaissances remarquables du juge Nadon, à la fois en common law et en droit civil, ainsi que sa vaste expérience, comme avocat, juge et arbitre, en font une personne hautement qualifiée pour joindre les rangs prestigieux de la Cour suprême du Canada», a déclaré le premier ministre dans une déclaration écrite.

La juge en chef de la Cour suprême, Beverly McLachlin, dit accueillir «chaleureusement» son nouveau collègue qui est un «éminent juriste».

«Il possède une vaste expérience des fonctions judiciaires, et une très grande expertise en droit administratif, en propriété intellectuelle et en droit maritime. Je me réjouis à l'avance de la contribution qu'apportera ce juriste distingué au travail de la Cour», a-t-elle fait savoir par voie de communiqué, jeudi après-midi.

Au lendemain de la mise en candidature du juge Nadon, elle avait toutefois émis une réserve: en entrevue au réseau CBC, elle s'était dite en faveur de la parité hommes-femmes au sein de la Cour suprême.

Et cela, alors qu'un déséquilibre règne actuellement; on compte trois femmes juges pour six hommes sur le banc.

Certains, dont le Nouveau Parti démocratique (NPD), ont critiqué la décision du premier ministre Harper de ne pas avoir choisi une femme - pour une seconde nomination de suite. Cette décision aurait permis de rétablir un peu l'équilibre au sein de la cour.

Le juge Nadon a par ailleurs lui-même créé une controverse inattendue.

Le jour même de sa nomination, plusieurs remettaient en question sa déclaration faite en comité parlementaire à l'effet qu'il avait été repêché par les Red Wings de Detroit à l'âge de 14 ans. Un site spécialisé en hockey, PuckStruck, disait n'avoir trouvé aucune mention de M. Nadon parmi les joueurs repêchés par la formation américaine.

Dans une entrevue accordée par la suite au Huffington Post, le juge Nadon a corrigé le tir.

Il disait ne pas avoir menti, mais plutôt avoir utilisé le terme «recruté» de façon large: il ne voulait que signaler qu'il avait été appelé à se «joindre à l'organisation des Red Wings», comme on l'entendait à l'époque, et qu'il n'était pas un choix au repêchage au sens formel des processus actuels de recrutement. Il ne voulait pas impliquer qu'il allait endosser l'uniforme et jouer pour les Red Wings, a-t-il précisé.

Contacté jeudi soir pour qu'il clarifie ses propos, le juge a indiqué qu'il était nommé depuis quelques heures et que la juge en chef de la Cour suprême lui a dit de référer les demandes d'entrevues à l'adjoint exécutif de la Cour. Et que celui-ci «donnera une explication sur ce que j'ai voulu dire».

«Si ce n'était pas de cette histoire de hockey, je serais bien heureux de vous parler pendant une demi-heure. Mais étant donné la façon dont ça a tourné, je ne préférerais pas...», a soufflé M. Nadon.

La porte-parole du NPD en matière de justice, Françoise Boivin, aussi membre du comité de sélection du juge, estime qu'il «devra vivre avec ses déclarations».

«Ça ne commence pas très bien», a-t-elle constaté jeudi.

«Il a sûrement tenté de se rendre intéressant pour certains types de personnes».

Pour un juge surtout, elle croit que la clarté est très importante et espère que ses décisions seront plus limpides.

Mais plutôt que de lui jeter la pierre, elle déclare que la bonne foi se présume toujours et que ses déclarations sur le hockey ne lui enlèvent pas toutes ses années d'expérience.

Elle indique toutefois que cette bourde va peut-être amener une révision du processus de nomination. Elle critique la comparution des juges en comité qui ne serait faite qu'en bonne partie pour les apparences, alors que le candidat est déjà à 99 pour cent confirmé.

Le juge Nadon a ainsi rempli la place laissée vacante par le départ à la retraite du juge Morris Fish en août dernier.

La feuille de route du juge québécois et bilingue est longue et diversifiée. Marc Nadon a été juge à la Cour fédérale, à la Cour fédérale d'appel où il siège depuis 2001, ainsi qu'au tribunal de la concurrence et à la Cour martiale.

Avant sa nomination à la Cour fédérale en 1993, le juge Nadon a été avocat et associé chez Fasken Martineau Walker à Montréal et il a également travaillé pendant une période au bureau de ce cabinet à Londres. Il est également un spécialiste en droit maritime. Il est membre du barreau du Québec depuis 1974.

Le juge Nadon est le sixième à être nommé par Stephen Harper depuis qu'il est arrivé au pouvoir en 2006.