Des visiteurs impatients faisaient la file, mercredi, alors que le pénitencier historique de Kingston, en Ontario, ouvrait ses portes au public pour la première fois depuis des décennies.

Près d'une vingtaine de personnes ont pénétré dans les imposants murs de la prison; il s'agit du premier groupe de visiteurs admis à l'intérieur depuis que les derniers prisonniers ont quitté l'endroit, la semaine dernière.

Parmi les premiers visiteurs se trouvait Laurie Lindop, de la ville voisine de Gananoque, qui connaît des gens ayant travaillé dans l'institution carcérale et qui se souvient du moment où des détenus ont déclenché une émeute, en 1971.

Sa visite dans la prison l'a «vidée», a-t-elle affirmé.

«Lorsqu'on pense à toute la souffrance des détenus et de leurs victimes, on devient très émotif», a dit Mme Lindop après la visite d'une heure trente.

Les visiteurs attendaient avec impatience de pouvoir explorer le célèbre pénitencier, ouvert en 1835, et qui était l'une des plus vieilles prisons encore en opération sur la planète au moment de sa fermeture.

Dirigé par l'ancien gardien Monty Bourke, qui a offert ses commentaires pendant la visite, le groupe a marché sous le «dôme» central, avec son béton glauque et ses escaliers en fer menant aux cellules où certains des pires criminels du pays ont purgé leur peine.

Les touristes ont également pu voir les cellules d'isolement, à peine plus grandes que des cages, et pas assez grandes pour pouvoir y écarter les bras.

À l'intérieur du poste de commande des gardes avec ses vitres épaisses, les lampes et les écrans de surveillance étaient toujours allumés. Les lourdes portes en acier ont résonné en se refermant.

Les visiteurs ont pris des photos et échangé quelques propos à voix basse. Ils ont observé les épais murs, surplombés de barbelés et ponctués de tours de garde.

Le groupe a aussi circulé sur certains des terrains délicatement entretenus où des meurtriers, des violeurs et des voleurs de chevaux ont déjà marché. Les touristes ont aussi pu apercevoir le petit terrain en isolement où les détenus mis à l'écart des autres pouvaient passer une heure par jour.

Un peu plus loin, on trouve l'atelier de la prison à partir duquel le voleur de banques Ty Conn a réussi à s'enfuir. Il y a aussi un terrain extérieur plus grand d'où des détenus mécontents ont refusé de bouger, jusqu'à ce que M. Bourke leur lise carrément la loi sur les émeutes.

De retour à l'extérieur, alors qu'un nouveau groupe attendait d'entrer, Larry Cote, de Kingston, qui est passé en voiture à des centaines de reprises devant les murs en pierre, a dit qu'il était «fantastique» de finalement pouvoir y entrer.

«Je l'ai vu désormais, et je peux vous dire ceci: je ne sais pas comment ils faisaient pour vivre ici», a-t-il affirmé. «Vous en sortez et vous vous dites carrément: «Wow!»

Le gouvernement fédéral a décidé de fermer le pénitencier et deux autres prisons du pays en raison de leur âge avancé et des frais d'entretien élevés.

Selon Service correctionnel Canada, l'avenir de la prison de Kingston est incertain, mais l'objectif est de la fermer entièrement d'ici 2015.

Certains membres de la communauté pénitentiaire, dont M. Bourke, qui y a travaillé comme gardien de 1997 à 2002, espèrent qu'au moins une partie de la prison deviendra une attraction touristique.

«Nous espérons qu'il sera possible d'en sauvegarder le plus possible», a-t-il affirmé. La prison «reflète l'histoire du Canada de plusieurs façons, et aussi celle du système judiciaire».

Le pénitencier sera ouvert aux visites au cours des trois prochaines semaines. Les visiteurs les plus pressés ont déjà acheté leurs billets, au coût de 20 $ l'unité. Les profits sont versés à l'organisme caritatif United Way.

Autrefois, la population était autorisée, moyennant quelques dollars, à entrer dans la prison pour voir les détenus.