Au Québec, les femmes au visage couvert choquent, alors que celles qui portent le voile islamique sont assez bien acceptées, révèle un sondage CROP sur la tolérance commandé par La Presse.

Plus de la moitié des répondants affirment être «beaucoup dérangés» lorsqu'ils voient une femme portant le niqab dans un lieu public. Un autre 20% se disent «un peu» ou «assez» dérangés. Le hijab passe beaucoup mieux. Si 21% des personnes sondées se disent «beaucoup dérangées» par celles qui le portent, 44% sont complètement indifférentes.

Des chiffres qui reflètent bien ce que notre équipe a constaté en parcourant plusieurs villes en compagnie d'une comédienne vêtue de différents types de voile.

Les réactions suscitées par son niqab ont été vives. «Oh shit», a par exemple lâché un jeune homme lorsqu'elle lui a demandé des indications. «C'est certain qu'elle a un problème», a pour sa part confié une citoyenne à notre journaliste. «Ça m'a fait peur», a avoué une autre.

«Plusieurs raisons expliquent ces réactions, note Youri Rivest, vice-président chez CROP. Pour certaines personnes, c'est le concept de la domination homme-femme. D'autres ont tout simplement un sentiment anti-islam. Mais il y a aussi le fait que le niqab crée une distance entre les gens qui est en dehors des normes sociales. Des gens vivent un inconfort par rapport à ça.»

Il prévient toutefois que le débat sur la Charte des valeurs pourrait avoir exacerbé la perception négative du niqab dans la population en le ramenant sur la place publique. «Mais il y a un fond indépendamment du débat. Le sentiment anti-islam était déjà là.»

Toujours selon notre sondage, les Québécois sont plus troublés que les Québécoises lorsqu'ils voient une femme entièrement voilée dans un lieu public.

Tolérance ou discrimination?

Outre le fait religieux, les Québécois sont-ils tolérants? Oui, mais ils sont aussi très nombreux à avouer faire de la discrimination.

À la question: «Vous arrive-t-il de faire preuve de discrimination envers ceux qui sont différents de vous?», qu'il s'agisse de couleur de peau, de religion, d'orientation sexuelle ou d'apparence et de limitations physiques, 61% des personnes sondées ont répondu «à l'occasion» et 2% ont dit «souvent».

Paradoxalement, 93% des répondants s'estiment assez ou très tolérants. «Pour beaucoup de gens, faire de la discrimination n'équivaut pas à être intolérant, explique Youri Rivest. Selon eux, ils font preuve de sens commun.»

La capitale à part

C'est dans la ville de Québec plus que n'importe où ailleurs que les gens disent être le moins tolérants, alors que 11% estiment l'être peu ou pas du tout. C'est plus de deux fois plus qu'à Montréal et un peu plus que dans les autres régions de la province.

«Ça ne veut pas nécessairement dire qu'ils sont réellement moins tolérants que les autres. Mais ils sont moins gênés d'en parler», observe M. Rivest. Selon lui, l'environnement médiatique de la Vieille Capitale est en partie responsable de ce franc-parler. «À Montréal, il n'y a aucune station de radio ou de télé où tu peux dire que tu es intolérant. À Québec, oui.»

Sur le plan de l'âge, les moins de 34 ans s'estiment plus tolérants que les plus vieux. L'écart est particulièrement marqué avec les 55 ans et plus, qui sont plus de 10% à s'avouer carrément intolérants.

Plus d'ouverture

L'homosexualité, l'obésité ou les handicaps physiques dérangent peu au Québec. Notre sondage le prouve et notre enquête terrain aussi.

Ainsi, seuls 8% des répondants sont très dérangés par une personne obèse qui mange de la malbouffe et 18% le sont par un couple homosexuel qui s'embrasse en pleine rue. «Ici, c'est très respectueux. Il n'y a personne qui va venir t'écoeurer», a confié un couple gai alors que nous testions la tolérance des gens à l'égard de l'orientation sexuelle. Même ouverture à l'égard du poids. Un homme de forte taille devant qui nous avons disposé plusieurs assiettes contenant notamment des frites et un hamburger a suscité peu de réactions dans l'aire de repas du Complexe Desjardins.

«Il y a une bonne acceptation de la différence. On est, par exemple, habitués aux nouveaux modèles familiaux», dit M. Rivest.

Méthodologie

CROP a sondé 1000 internautes par le biais d'un panel web, du 12 au 15 septembre dernier. Les résultats ont été pondérés afin de refléter la distribution de la population adulte du Québec selon le sexe, l'âge, la région de la résidence, la langue maternelle et le niveau de scolarité des répondants. Puisqu'il s'agit d'un échantillon non probabiliste (le choix des répondants n'est pas aléatoire), le calcul de la marge d'erreur ne s'applique pas.