Un poulet biologique de 2 kilos ayant eu accès à l'extérieur pendant sa courte vie coûte 21,60 $ à l'épicerie en ligne d'IGA. Contre 13,20 $ pour un poulet du même poids, élevé en batterie. Malgré cet important écart de prix, un nombre grandissant de consommateurs choisissent de payer plus pour de la viande qui semble correspondre davantage à leurs valeurs.

« Mais ça restera toujours des produits de niche, estime James McWilliams, professeur d'histoire à la Texas State University, qui donnera bientôt une conférence à McGill sur les limites de l'élevage non industriel. Aux États-Unis, le prix des produits est le facteur d'achat le plus déterminant pour la majorité des gens. »

Que les consommateurs se convertissent massivement au végétarisme lui paraît plus plausible que de les voir adhérer à une absurdité économique. Et c'est tant mieux, parce que les élevages à petite échelle, dont plusieurs biologiques, ne sont pas une panacée, selon M. McWilliams.

« Plusieurs les voient comme le salut face à l'agriculture industrielle, mais les petites fermes posent de sérieux problèmes d'ordre éthique, sanitaire et environnemental », indique le professeur, auteur de Just Food.

Manque de pâturages

« Tout le monde aime que les animaux vivent dehors, illustre-t-il. Mais le bétail nourri à l'herbe produit trois à quatre fois plus de méthane que celui qui est nourri de maïs, en confinement. » Déjà, le pâturage occupe 26 % de la surface émergée de la Terre, d'après la FAO. « Si on sortait tous les animaux qui sont confinés aux États-Unis pour les engraisser dehors, il faudrait détruire des zones riches en biodiversité pour en faire des pâturages, fait valoir M. McWilliams. Non seulement aux États-Unis, mais aussi en Amérique du Sud. »

Quasi difformes à force d'avoir été sélectionnés pour grossir vite, les animaux souffrent même dans les petites fermes, poursuit-il. « Il n'est pas rare que les poulets aient mal aux pattes, tant leur poitrine est disproportionnée », indique le professeur. Laissées dehors, ces volailles sont la proie d'animaux sauvages, « sans possibilité de se cacher, comme dans la nature », dénonce-t-il.

Mort pour tous

Plus crucial, selon lui : peu importe la taille de la ferme, l'animal y est élevé pour être tué et mangé. « C'est fondamentalement violent et moralement problématique, croit-il. Aucune vie ne vaut moins qu'un sandwich dont je n'ai pas besoin. » Les consommateurs consciencieux ne peuvent que radicalement réduire, puis éliminer complètement les produits animaux de leur régime, plaide M. McWilliams.

L'amélioration des conditions de vie des esclaves a déjà été plus largement demandée que l'abolition de l'esclavage, souligne l'historien, qui n'a pas peur de frapper fort.

« Les changements sociaux sont des phénomènes graduels, observe-t-il. Nous serons tous végétaliens dans quelques siècles, peut-être forcés de l'être pour des raisons économiques ou environnementales. Chose certaine, régler les problèmes causés par notre consommation de produits animaux sera beaucoup plus difficile que de payer quelques dollars de plus pour une viande élevée différemment. »

En chiffres

>27 % des Canadiens ont acheté ou boycotté un produit pour des raisons éthiques en 2008, contre 20 % en 2003.

>La consommation responsable varie selon les provinces : 31 % des Britanno-Colombiens ont consommé ou boycotté un produit en 2008 pour cette raison, contre 29 % des Québécois, 27 % des Ontariens et 14 % des Néo-Brunswickois et Terre-Neuviens.

Source : Statistique Canada