Après quatre jours d'isolement causé par les incendies de forêt qui ravagent le nord du Québec, la communauté de Radisson pousse un long soupir de soulagement. Un convoi de nourriture et d'essence a finalement été autorisé à emprunter la route de la Baie-James, samedi matin, permettant à l'épicerie de regarnir ses étagères et aux résidants de se déplacer. Visite dans une communauté dont la survie dépend d'un seul axe routier.

Imaginez une station d'essence sans essence. Une épicerie sans pain ni lait. Des travailleurs et des touristes prisonniers d'un village situé au 53e parallèle. C'est le sort que les flammes ont réservé à Radisson quand la route de la Baie-James a été fermée du 274e au 518e kilomètre en raison des incendies s'étendant sur 574 844 hectares qui ont rendu la conduite automobile trop dangereuse sur la seule route qui relie le sud de la province à Eastmain, Matagami, Waskaganish, Wemindji, Radisson et Chisasibi.

«C'est comme si un bulldozer était passé dans le coin», rapporte Camil, un employé d'une compagnie de transport qui a été autorisée à apporter du carburant pour les jets utilisés par Hydro-Québec, omniprésente à Radisson en raison des barrages le long de la Grande Rivière.

«Quand on a appris que la route était fermée, tout le monde s'est précipité à l'épicerie. Il n'y avait plus de pain, plus de lait», ajoute Julie Caron, en vacances à Radisson avec sa famille, originaire de Saint-Bruno, en Montérégie. Comme le clan Caron, des camionneurs et des touristes venus d'aussi loin que Toronto ou le New Jersey ont dû prolonger leur séjour dans le nord de la province. Ils ont joué aux cartes ou fait de la randonnée, mais ont dû se passer de produits frais.

«La nourriture devait arriver mercredi, mais ils ont fermé la route mardi soir», explique Andrée Fortin, la gérante de l'épicerie du village. «Ils ont finalement laissé passer des camions remplis de pain, de lait, de légumes ou d'essence [samedi] matin, mais les conducteurs ne peuvent plus repartir!» Devant le restaurant du coin, ils étaient une vingtaine à faire le pied de grue en fin d'après-midi. «La première journée, c'est drôle, mais là, on en a assez», laisse tomber Paul Boulanger, employé d'une compagnie de déménagement de Chibougamau.

Mais la patience aura fini par payer pour Paul Boulanger et les autres: en début de soirée, la Sûreté du Québec et la Société de développement de la baie James ont autorisé un convoi à quitter Radisson, une légère pluie ayant amélioré les conditions routières. «On a profité de la courte fenêtre qu'on avait pour donner le OK», a indiqué un employé de la SDBJ.

Un deuxième convoi doit quitter le secteur de Wemindji vers le Sud ce matin, tandis qu'un groupe de véhicules pourra gagner le Nord, toujours sous escorte de la Sûreté du Québec. «Personne ne peut prendre la route seul, l'accès est barré», souligne toutefois l'employé. «Ce qui nous inquiète, c'est que certaines personnes se rendent à leurs camps de chasse et se dispersent en forêt, parce que les vents vont peut-être tourner. Les conditions de sauvetage seraient beaucoup trop difficiles dans des conditions extraordinaires comme celles-là. Je n'ai jamais vu ça de ma vie.»