Malmené par les incendies de forêt dans le Nord québécois, le réseau d'Hydro-Québec a encore flanché jeudi. En pleine canicule, plus d'un million de Québécois ont été privés d'électricité pendant plusieurs heures tandis qu'un hôpital a annulé des dizaines d'interventions chirurgicales. Bilan d'une deuxième journée de crise.

La patience des Québécois a été mise à rude épreuve pour une deuxième journée consécutive en raison d'une nouvelle vague de pannes d'électricité touchant particulièrement le Sud de la province, alors que les incendies de forêt ravagent de plus belle le Nord.

Au plus fort de la crise, vers 17h05, 500 000 clients ont été privés d'électricité, principalement à Montréal, en Montérégie, dans les Laurentides et dans Lanaudière. Le retour à la maison a de nouveau été pénible, mais pour les automobilistes cette fois. Plusieurs feux de circulation ont cessé de fonctionner à Montréal et à Longueuil. La veille, c'était le métro et ses usagers qui écopaient.

Les pannes d'hier ont surtout touché des résidences privées, alors que mercredi, ce sont près de 2000 grands clients comme le parc d'attractions La Ronde et la Société de transport de Montréal qui en avaient fait les frais.

Hydro-Québec a d'abord semblé débordée par les événements. Le site internet de la société d'État a momentanément éprouvé des problèmes et les porte-parole répondaient aux demandes d'entrevues des médias du mieux qu'ils pouvaient

«On prend les choses une heure à la fois», a reconnu Guy Litalien, conseiller principal médias chez Hydro-Québec.

Ce dernier a confirmé que la fumée des incendies de forêt a de nouveau fait perdre le couloir de transport d'électricité à la baie James, malgré leurs efforts pour protéger le réseau.

Petite différence par rapport à la veille, toutefois, ce sont les «automatismes», systèmes de surveillance et de protection, qui ont déclenché les pannes d'hier, alors que mercredi, des variations de tension étaient en cause.

Une configuration «exceptionnelle»

Seul point positif, le problème se règle relativement facilement, selon la société d'État. Vers 19h30, les trois lignes de transport ont toutes été rétablies, et à 20 heures, la situation était pratiquement revenue à la normale. Vers 22 heures, à peine plus de 400 foyers étaient toujours privés d'électricité, dont 240 à Montréal.

Hydro-Québec assure que seul le hasard peut expliquer que les pannes soient survenues en pleine heure de pointe mercredi et jeudi.

Plus tôt en journée, le président d'Hydro-Québec, Thierry Vandal, a rappelé que la situation était exceptionnelle dans la baie James, qui est confrontée à la pire sécheresse de la région des 40 dernières années.

«Cet épisode déclenche des feux de forêt intenses et des fumées qui font fait en sorte qu'une ligne de transport importante entre le poste Albanel et Chibougamau à la baie James a déclenché [une panne] mercredi.»

En milieu de journée, le président se montrait pourtant optimiste pour la suite des choses.

«On a reconfiguré les transits sur le réseau de transport de l'électricité au Québec pour faire en sorte de limiter dans toute la mesure du possible les transits qui viennent de la baie James et pour les concentrer à partir de nos installations de Manic, Outardes et Churchill. Ce faisant, on a limité grandement les risques de fluctuations», a-t-il expliqué.

«Compte tenu de la reconfiguration mise en place [...] et du suivi constant de la situation, je dirais qu'on a placé le réseau dans une configuration qui est exceptionnelle, mais qui devrait nous permettre d'éviter de répéter les événements qu'on a vécus hier», avait-il ajouté.

Manifestement, cette reconfiguration n'a pas donné les résultats espérés. «Il y a une limite au transit d'énergie qu'on peut rediriger pour ne pas déstabiliser le réseau dans son ensemble», a précisé l'attachée de presse d'Hydro-Québec Marie-Élène Deveault, en fin de soirée.

Cette situation est d'autant plus inquiétante que les flammes continuent à progresser dans le nord de la province.

Les incendies de forêt ont continué à avaler des hectares et des hectares de forêt boréale, alors que la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU) attendait que la pluie fasse son oeuvre.

«Les feux continuent d'évoluer et de progresser vers l'est. Ils ont dépassé la route de la baie James et continuent leur chemin», a affirmé Éloïse Richard, porte-parole de la SOPFEU, vers 16h30.

L'organisation n'a pas pour mandat d'intervenir dans la moitié nord du Québec, a-t-elle ajouté. «Les feux ne sont pas combattus.» Seules quelques infrastructures locales sont protégées par des travailleurs d'Hydro-Québec ou des communautés autochtones, par exemple. La SOPFEU se borne à survoler les régions touchées et à recueillir des informations.

Interrogé par La Presse, le ministère des Ressources naturelles a confirmé que dans toute la moitié nord du Québec, le gouvernement ne combattait les incendies de forêt que «lorsque des ressources pour cette lutte sont disponibles». Le ministère reconnaît que dans cette zone, les incendies se propagent rapidement et brûlent «parfois de grandes superficies».

-Avec Bruno Bisson