Des initiatives qui pourraient avoir «d'importantes répercussions sur la vie privée» des Canadiens n'ont pas été évaluées par le Commissariat à la protection à la vie privée avant d'être mises en oeuvre par l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC).

La commissaire à la protection de la vie privée, Jennifer Stoddart, s'est dite inquiète par ce manque de collaboration et de respect des règles par l'Agence chargée de surveiller les frontières du pays, dans une lettre datée du mois d'octobre et adressée au président de l'ASFC, Luc Portelance. La Presse a obtenu le document en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Les initiatives visées incluent l'enregistrement des conversations entre passagers dans les aéroports canadiens, dont la mise en oeuvre avait provoqué un tollé l'an dernier. «Ce programme soulève des préoccupations manifestes quant à la protection de la vie privée des Canadiennes et Canadiens», a écrit Mme Stoddart.

«Nous avons été préoccupés d'apprendre que sa mise en oeuvre éventuelle était prévue avant l'achèvement d'une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée (EFVP).»

Selon une directive du Conseil du Trésor, les programmes susceptibles d'avoir un impact sur la vie privée et les renseignements personnels des Canadiens doivent faire l'objet d'une telle évaluation.

Ce sont les médias, et non le gouvernement ou l'ASFC, qui ont révélé le déploiement de ces systèmes de surveillance audio, il y a un an. Devant la grogne populaire, le ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, avait annoncé que l'initiative serait mise de côté en attendant les résultats d'une EFVP en bonne et due forme. Le Commissariat n'a toujours pas reçu cette évaluation, et l'Agence a affirmé récemment que le programme n'avait toujours pas été réactivé.

Délais trop courts

Dans les deux autres cas relevés par la commissaire Stoddart, «nous avons reçu l'EFVP pratiquement au même moment que la mise en oeuvre du programme», a-t-elle déploré.

L'un de ces cas porte sur la première phase d'un programme canado-américain qui vise, d'ici un an, à échanger des données biographiques sur tous les voyageurs qui entrent au Canada ou des Etats-Unis ou qui en sortent. La première phase, mise en oeuvre en septembre, ne portait que sur les ressortissants d'autres pays et sur les résidents permanents. Le processus d'évaluation est terminé.

L'autre cas est un nouveau «questionnaire sur l'intégrité», auquel doivent se soumettre les employés de l'Agence. Le processus d'évaluation se poursuit, et la commissaire se dit préoccupée par la nature «indiscrète» de certaines des questions.

«Il faut [...] prévoir suffisamment de temps pour permettre au Commissariat d'examiner adéquatement les EFVP et d'y répondre avant la mise en oeuvre des programmes», a insisté Mme Stoddart.

L'ASFC n'avait pas répondu aux questions de La Presse au moment d'écrire ces lignes.

Quant au commissariat, un porte-parole a indiqué qu'il y avait eu une meilleure collaboration entre les deux organismes depuis le mois d'octobre. «L'ASFC s'est engagée à favoriser le partage d'information, a déclaré Scott Hutchinson. Les cadres de notre division de la vérification et revue rencontrent régulièrement les cadres de l'ASFC.»

-Avec William Leclerc