Un ancien trafiquant de drogue kosovar, qui dit craindre d'être assassiné parce qu'il a infiltré des groupes islamistes radicaux pour le compte des services de renseignement américains, vient de se voir refuser le statut de réfugié au Canada même s'il a convaincu le tribunal de la véracité de son histoire.

Dans sa décision rendue publique cet après-midi, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR), affirme que la preuve déposée par le demandeur a «démontré clairement qu'il a été un informateur et qu'il a infiltré des réseaux très dangereux».

Cette preuve comprenait apparemment «les correspondances que le demandeur avait avec les agents secrets de la CIA et des vidéos et photos qu'il a captés avec des terroristes» au Kosovo et au Moyen-Orient. Le tribunal dit qu'il a été «très surpris» de voir cette preuve déposée.

Parcours rocambolesque

L'homme aux nombreux tatouages guerriers, dont le vrai nom est protégé par une ordonnance légale, mais qui se fait surnommer «Abu», a quitté son Kosovo natal pour s'installer à New York avec sa famille à la fin des années 90. Il a frayé là-bas avec le crime organisé de souche balkanique et s'est fait arrêter pour complot et trafic d'un kilo d'héroïne.

Les archives judiciaires américaines démontrent que, pour réduire sa sentence, il a accepté de plaider coupable et de devenir informateur pour le FBI et pour la DEA, l'agence fédérale antidrogue américaine.

Il a fourni de l'information dans des dossiers de trafic de drogue, de meurtre liés au crime organisé balkanique, mais aussi dans au moins une enquête confirmée sur un suspect de terrorisme mêlé à la filière pakistanaise de l'héroïne.

Après sept ans de prison, Abu a été expulsé vers son Kosovo natal. Il a commencé à fréquenter les milieux fondamentalistes musulmans et à multiplier les voyages au Pakistan, en Arabie Saoudite, en Égypte, en Syrie et en Macédoine.

Même s'il ne possède pas de preuve d'emploi formelle, il a expliqué que tous ses voyages avaient pour but d'espionner pour le compte de la CIA, l'agence de renseignement américaine. Ce que le tribunal a jugé crédible en regard de toute la preuve déposée.

Une balle dans la cuisse

Les fréquentations d'Abu se sont révélées dangereuses : en 2010, il a été victime d'un attentat et atteint d'une balle à la cuisse. Se croyant brûlé chez les radicaux et abandonné par les autorités américaines, il a pris la fuite vers Montréal avec un faux passeport et a demandé le statut de réfugié à son arrivée.

La CISR vient de lui refuser ce statut, car elle estime que son passé de trafiquant de drogue le disqualifie. Mais elle précise qu'il peut maintenant tenter d'éviter l'expulsion en faisant valoir les menaces qui pèsent sur sa vie à l'étranger. Il peut notamment demander au ministère de l'Immigration de faire une Évaluation du risque avant renvoi, une procédure par laquelle il pourrait obtenir le droit de rester au pays.

L'avocat d'Abu, Me Stéphane Handfield, assure qu'il fera tout pour permettre à son client de rester au Canada. «Tous les recours appropriés seront utilisés», a-t-il laissé tomber lorsque joint par La Presse.