Un député provincial de l'Ontario veut empêcher les entreprises de construction québécoises de décrocher des contrats gouvernementaux dans sa province. À ses yeux, l'entente de la mobilité de la main d'oeuvre signée par les deux provinces en 2006 ne profite qu'aux compagnies du Québec.

Jack MacLaren, un député progressiste-conservateur de la région d'Ottawa, défendra cette semaine un projet de loi privé qui vise à évincer les compagnies québécoises des marchés publics provinciaux et municipaux.

En entrevue, le député affirme que les accords de 2006 ont permis à des sociétés québécoises de décrocher des contrats dans les secteurs public et privé en Ontario. Mais en raison d'un lourd carcan bureaucratique, des entrepreneurs ontariens n'ont jamais pu percer le marché québécois.

Résultat: la mobilité de la main d'oeuvre dans la construction ne fonctionne que dans un sens, dénonce M. MacLaren.

«Nous n'avons aucun intérêt en Ontario à fermer la porte à des travailleurs d'autres provinces, y compris du Québec, a dit M. MacLaren. La seule raison pour laquelle nous faisons cela, c'est en réponse à la réalité pratique par laquelle le Québec a effectivement fermé la porte à des travailleurs ontariens.»

Pour obtenir du travail au Québec, une entreprise doit remplir une batterie de formulaires, qui ne sont généralement pas disponibles en anglais, explique M. MacLaren. Elle doit acquitter des frais de plusieurs centaines de dollars pour obtenir des accréditations québécoises. Elle doit enfin se soumettre aux règles qui touchent le placement syndical, ce qui veut dire que les employés qu'elle emploie sur des chantiers québécois doivent être affiliés à un syndicat.

Au final, dit le député, la très vaste majorité des entreprises de construction ontarienne jettent l'éponge avant d'arriver au bout du processus.

«Ce n'est pas impossible, mais c'est extrêmement difficile», résume-t-il.

Le projet de loi privé du député sera débattu en première lecture mercredi à Toronto. Un autre débat pourrait avoir lieu en septembre.

Bien que son initiative semble spectaculaire, le député se défend de vouloir déclarer la guerre au Québec. Il souhaite que sa démarche incite la province à assouplir ses règles régissant l'industrie de la construction. Au final, il aimerait voir des entreprises ontariennes obtenir le même accès au marché québécois que celui dont jouissent les compagnies québécoises en Ontario.

Le président de la Chambre de commerce de Gatineau, Antoine Normand, donne raison au député MacLaren lorsqu'il soutient que le système québécois est difficile d'accès aux entreprises de construction ontariennes.

Mais à ses yeux, fermer la porte aux entreprises québécoises ne règlera rien.

«Le système québécois est extrêmement restrictif, convient M. Normand. Mais on ne règle pas ce problème-là en créant un système tout aussi restrictif en Ontario. Il est préférable de travailler sur le système québécois pour le rendre plus facile d'accès.»

L'ancien ministre libéral Benoît Pelletier se dit surpris que des entrepreneurs ontariens soient incapables de décrocher des contrats au Québec. Il avait joué un rôle clé dans la négociation des accords de mobilité de la main d'oeuvre, conclus en 2006 par les gouvernements Charest et McGuinty.

«Ils savaient qu'au Québec, il y a des procédures à suivre qui sont différentes de celles de l'Ontario, a noté M. Pelletier, qui enseigne aujourd'hui le droit à l'Université d'Ottawa. Il n'y a pas eu d'erreur de leur part, ils étaient vraiment conscients de ce que représenterait leur signature.»