La chaîne Target a embauché des lobbyistes pour convaincre le gouvernement fédéral de ne pas favoriser par une loi ou un règlement l'«approvisionnement éthique de biens ou de produits importés de pays étrangers» par des détaillants canadiens, selon le registre fédéral des lobbyistes.

Publié le 14 mai dernier, ce mandat a toutefois été supprimé deux jours plus tard.

Même si la publication et le retrait de ces informations se sont produits dans la foulée de l'incendie d'une «usine de misère» ayant tué des centaines de personnes au Bangladesh, Target et la firme de relations gouvernementales Crestview refusent de tracer un lien entre les deux événements.

Les lobbyistes disent avoir fait une «erreur cléricale». Target, qui s'installera très prochainement au Québec, a confirmé cette version des faits, ajoutant toutefois qu'il s'agissait d'un sujet très important à leurs yeux.

Le contrat entre Target et Crestview a été conclu parce que le géant du détail organise des rencontres avec des «représentants gouvernementaux». «Les consultants externes [Crestview] ont incorrectement inscrit des sujets qui sont des priorités claires pour l'industrie de la vente au détail, mais qui ne constituent pas l'objectif de nos rencontres.» Ces événements sont de simples «rencontres de courtoisie [meet n'greets]», a ajouté la porte-parole de Target, Lisa Gibson.

La description du mandat annulé se lisait ainsi: «Les détaillants canadiens ont un code facultatif quant à l'approvisionnement éthique de biens ou de produits importés de pays étrangers. Nous avons un dialogue continu avec le gouvernement pour nous assurer qu'aucun règlement ou loi ne soit introduit dans ce domaine.»

«Un brouillon de texte»

Le lobbyiste inscrit au registre fédéral, Adam Bolek, n'a pas répondu aux messages de La Presse. C'est plutôt son collègue qui s'en est chargé. «Sans avoir obtenu l'autorisation ou en avoir discuté avec Target, nous avons soumis un brouillon de texte, a expliqué Chad Rogers. Ce texte avait été écrit de façon arbitraire, avec des emprunts d'autres enregistrements.»

La firme ajoute prendre l'«entière» responsabilité de cette erreur.

L'américaine Target promet de faire une entrée fracassante sur le marché québécois d'ici quelques mois. Une succursale prendra notamment d'assaut les Galeries d'Anjou.

Aux États-Unis, elle jouit d'une meilleure image que Walmart, sa principale concurrente. De nombreux reportages ont toutefois mis en lumière des pratiques antisyndicales au sein de l'entreprise.

Sécurité des jouets

L'inscription au registre des lobbyistes indiquait que Crestview «a organisé ou prévoit organiser» des réunions avec plusieurs organisations fédérales. Le Cabinet du premier ministre, Finances Canada et Santé Canada sont du nombre.

En plus de tenter de maintenir le statu quo actuel sur la question de l'approvisionnement éthique de l'industrie du détail, le lobbyiste indiquait s'intéresser aux «avertissements émis par l'Agence de la santé publique (division des produits de consommation), ainsi qu'aux politiques et programmes liés au niveau de sécurité des jouets et des autres produits importés de pays étrangers».

Le retrait de la pièce d'un cent et son effet sur les détaillants était aussi à l'ordre du jour.