Tandis que leurs confrères de Terre-Neuve-et-Labrador s'attèlent à réinstaurer leur droit de chasse au caribou dans le secteur de la rivière George, perdu le 28 janvier, des communautés autochtones du Québec préparent une stratégie commune pour éviter que le gouvernement Marois leur impose un moratoire semblable, jugé encore plus inacceptable en ces temps de grands projets de développement dans le Nord.

«On ne peut pas dire d'arrêter de chasser d'un côté, mais autoriser des mines et des projets hydroélectriques et forestiers de l'autre», lance Valérie Courtois, qui travaille comme facilitatrice entre les sept délégations autochtones du Québec et du Labrador attendues à la Table ronde autochtone sur le caribou d'Uashat Mak Mani-Utenam les 16, 17 et 18 avril prochains.

Elle considère que le déclin du troupeau, qui est passé de 800 000 bêtes à environ 25 000 en 20 ans, est un enjeu d'habitat. «C'est cyclique. À 800 000 caribous, ils mangent beaucoup de lichen et la population diminue. On l'a vu dans des années 30 aux années 50, mais les chiffres ont remonté parce qu'il n'y avait aucun développement dans le temps. Pas de camps d'exploration, de trains, d'hélicoptères, de monde!» Oui, la chasse a un impact, reconnaît Mme Courtois, mais on ne peut pas y mettre fin sans tenir compte des autres bouleversements en cours sur le territoire.

Dans la crainte d'être forcés d'arrêter de chasser - et de perdre un moyen de transmission de leur culture du même coup -, plusieurs autochtones dénoncent les décisions des gouvernements, perçues comme unilatérales. Dans certains cas, les directives passent d'autant plus mal qu'elles sont imposées par l'élève... au professeur. «Ça fait tellement longtemps qu'on est en contact avec la nature et les caribous que les grands spécialistes ont constitué leur expertise à notre contact. Mon oncle a formé des biologistes à Schefferville», illustre Jean-Claude Therrien-Pinette, directeur adjoint au Bureau de la protection des droits et du territoire d'Uashat.

Système de cogestion

Comme lui, Valérie Courtois propose un système de cogestion, afin que les autochtones soient associés aux décisions concernant le caribou, cet animal quasi mythique. Sinon, la relation entre autochtones et allochtones continuera d'être teintée de méfiance, croient-ils. «La conservation, c'est une conversation. Bannir, ça crée un contexte empoisonné», observe Mme Courtois.

«Le déclin du troupeau a été observé au début des années 2000, mais l'alarme a été sonnée en 2009 seulement», enchaîne M. Therrien-Pinette. «Quand on a appris le déclin, on a été placés devant le fait accompli. Si on avait pris le leadership, si on avait participé à la réflexion, on aurait pu la sonner, l'alarme, nous. Qu'ils demandent l'aide des aînés quand ils font leurs recensements.»

À la fin des années 80, et une fois de plus en janvier dernier, les chefs des communautés avoisinantes du lac George, à cheval entre le Québec et le Labrador, ont demandé de participer aux processus de consultation. Ils attendent toujours une réponse.