Le projet d'Enbridge d'acheminer du pétrole albertain vers Montréal est suivi avec inquiétude par les écologistes aux États-Unis. Si bien qu'un groupe américain souhaite participer aux audiences publiques fédérales sur l'inversion du flux du pipeline 9B.

Ce sera le premier test d'une disposition-clé du superprojet de loi C-38, adopté le printemps dernier par le gouvernement Harper, qui restreint la participation à des audiences environnementales aux personnes ayant un «intérêt direct» dans les projets.

Le Natural Resources Defense Council (NRDC), situé à New York, craint que la réalisation du projet de 100 millions piloté par Enbridge touche un autre oléoduc, celui-là entre Portland, dans le Maine, et Montréal. Cette canalisation sert à expédier du brut vers le Québec.

La porte-parole du groupe écologiste, Danielle Droitsch, craint que le flux de ce pipeline soit inversé à son tour si le projet d'Enbridge voit le jour. Du coup, du bitume dérivé des sables bitumineux serait transporté sur le territoire de la Nouvelle-Angleterre. «La ligne 9 d'Enbridge fonctionne en tandem avec la ligne Portland-Montréal, affirme Mme Droitsch, jointe à Washington. En inversant le flux de la ligne 9, on ouvre la porte des États-Unis au pétrole des sables bitumineux.»

Le NRDC demandera à l'Office national de l'énergie (ONE) d'obtenir le statut de participant aux audiences publiques qui auront lieu l'été prochain sur le projet d'Enbridge.

Sélection des participants

L'ONE avait un an pour adapter ses pratiques aux nouvelles dispositions prévues dans le projet de loi «mammouth» adopté par le gouvernement conservateur le printemps dernier. La porte-parole de l'organisme fédéral, Whitney Punchak, a indiqué à La Presse que la consultation sur le projet d'Enbridge sera la première à mettre en pratique le nouveau processus de sélection des participants.

«L'élément important, c'est qu'il faut prouver qu'on est directement touché ou qu'on a une expertise pertinente sur le projet», a résumé Mme Punchak.

Danielle Droitsch a été informée de ces nouvelles dispositions, mais elle a bon espoir que son organisme pourra participer aux audiences même s'il est situé aux États-Unis.

«Nous croyons avoir une expertise à offrir à l'ONE et, comme cette décision va avoir un impact sur nos membres et sur les communautés avec lesquelles nous travaillons, nous pensons pouvoir donner notre point de vue, a-t-elle dit. La réalité est que cette décision aura un impact direct sur les États-Unis.»

Enbridge planche depuis des mois sur l'inversion de sa ligne 9 afin d'approvisionner les raffineries de Montréal et de Québec. L'oléoduc servira essentiellement à expédier du brut léger, mais il pourrait aussi servir à transporter du bitume dérivé des sables bitumineux.

L'entreprise rappelle qu'elle a abandonné son projet Trailbreaker, qui visait le marché américain. Elle assure que son initiative ne vise qu'à approvisionner les raffineries québécoises en brut albertain.

«En ce qui nous concerne, l'ONE a établi des règles de participation aux audiences et déterminera qui peut le faire. Toutefois, nous rappelons aux groupes américains qu'ils peuvent obtenir plus d'information sur la proposition sur la ligne 9 pour déterminer que c'est un projet canadien dont l'objectif est de fournir du brut canadien à des raffineries canadiennes.»

Le président de la société Pipe-lines Portland Montréal, Larry Wilson, a récemment indiqué à des législateurs du Vermont qu'il pourrait «absolument envisager» d'utiliser le pipeline pour transporter du pétrole canadien aux États-Unis.

Le porte-parole de l'entreprise, Denis Boucher, a laissé cette porte grande ouverte, hier, en précisant qu'une inversion de l'oléoduc est possible si les «conditions du marché» changent.

Plusieurs villes de la Nouvelle-Angleterre ont adopté des résolutions pour s'opposer à l'arrivée du pétrole des sables bitumineux, notamment Burlington, au Vermont.