Menacer de représailles les jeunes qui en intimident d'autres en ligne ne les empêchera pas de s'en prendre à leurs camarades, affirme un militant anti-intimidation.

Selon Bill Belsey, de l'organisme Bullying.org qui offre de l'information sur l'intimidation, cela s'explique par le fait que les jeunes n'établissent souvent pas le lien entre des actes illégaux et leurs conséquences.

M. Belsey plaide plutôt en faveur d'une prévention plus importante.

Un projet de loi d'initiative parlementaire vise à amender le code criminel pour reconnaître la cyber-intimidation comme un crime. La députée libérale Hedy Fry a présenté le projet C-237 en septembre 2011, en réponse à une tendance croissante d'intimidation par messagerie texte, via les médias sociaux et sur d'autres plateformes en ligne.

Mercredi, les membres conservateurs d'un comité des Communes ont voté contre le projet de loi de Mme Fry après que des témoins eurent soulevé des inquiétudes à son propos.

Les témoins ont réclamé un appui gouvernemental, centré sur l'éducation et la prévention, plutôt que sur la législation criminelle.

«Cela aurait un impact modeste sur la plupart des adolescents, puisque le projet de loi est incapable de comprendre le cerveau des jeunes», affirme M. Belsey.

Il soutient ainsi que le projet de loi ne tient pas compte de l'état d'esprit des adolescents. Selon son expérience comme professeur au primaire et comme père, il affirme que les adolescents vivent dans l'instant présent et ne font pas le lien entre la cause et l'effet, et qu'une loi ne risquerait donc pas de les décourager.

La mort de l'adolescente britanno-colombienne Amanda Todd, qui s'est suicidée à l'automne dernier, a exposé les impacts importants de la cyber-intimidation. La jeune fille a été retrouvée morte peu après avoir publié une vidéo sur YouTube, où elle parlait de l'intimidation subie en personne et en ligne. La vidéo s'est avérée particulièrement populaire et son histoire a fait les manchettes partout sur la planète.

Le projet de loi faciliterait le dépôt d'accusations contre les cyber-intimidateurs. Actuellement le geste peut être reconnu comme un acte criminel en vertu des dispositions sur le harcèlement criminel, le libelle diffamatoire, les faux messages, ou encore la propagande haineuse au sein du code criminel.

«Réglementer la cyber-intimidation est l'équivalent d'arbitrer un match de soccer à l'extérieur du stade», a déclaré Jon Mitchell, l'un des principaux chercheurs à l'Institut du mariage et de la famille Canada.

M. Mitchell a cité des inquiétudes quant au fait d'entraîner davantage de jeunes dans le système de justice criminelle, et de laisser le problème entre les mains de la police, plutôt que des communautés.

«La meilleure approche est de donner du pouvoir aux parents, aux éducateurs et aux jeunes pour qu'ils travaillent ensemble», a-t-il ajouté.

La Fédération canadienne des enseignants s'est cependant prononcée en faveur du projet de loi, affirment que les professeurs et les élèves avaient besoin d'une protection légale contre la cyber-intimidation.

«Notre politique consiste en une approche double qui se concentre sur les initiatives d'éducation et de protection», affirme le président Paul Taillefer.

Ce dernier lance également l'idée d'une conversation nationale entre les familles, les écoles et les communautés pour s'attaquer au problème de la cyber-intimidation et favoriser les changements.