C'est la bisbille au conseil de bande de Kanesatake, où le grand chef se dit dépouillé de tout pouvoir depuis que quatre conseillères font systématiquement bloc contre lui. Tout cela dans un contexte où les deux camps redoutent la mise en tutelle en raison d'un déficit qui se chiffre maintenant à 3,2 millions, selon le grand chef Serge Simon.

En entrevue avec La Presse jeudi, M. Simon, que deux conseillers appuient, s'est montré très exaspéré par la situation. «Les quatre conseillères signent des résolutions à huis clos et elles font toujours bloc contre nous trois. Elles ont même décidé de me retirer des portefeuilles, comme celui de la santé. C'est toujours bien moi qui suis grand chef!

«Quand on se rencontre dans les couloirs, on ne se parle pas, poursuit M. Simon. On n'a plus de contact.»

Une autre version

Deux des quatre conseillères en question, Shannon Nicholas et Sonya Gagnier, ont une tout autre version. «Au début du mandat, relate

Mme Gagnier, on s'était entendus pour tenir des assemblées toutes les semaines. Là, nous n'en avons pas eu depuis le 11 décembre. Aussi, il lui est arrivé de nous convoquer à 9h pour une assemblée à 9 h 30.»

«Nous n'avons pas toujours été divisés comme ça, relève Mme Nicholas. Au début du mandat, il nous arrivait souvent de voter dans son sens [au grand chef], mais là, ce n'est plus le cas. Il est maintenant minoritaire, et ça ne fait pas son affaire.»

Mme Nicholas soutient que la lutte contre le déficit figure parmi les dossiers chauds. «On dirait qu'il n'y a que nous, les femmes, pour nous en préoccuper. Les hommes du conseil, eux, semblent penser qu'ils peuvent continuer à dépenser comme bon leur semble.»

L'idée de recourir à la médiation a été abordée, «mais elle a été bloquée par le grand chef, qui n'en a pas voulu», dit Mme Nicholas.

Une seule chose sur laquelle tout le monde semble s'entendre, c'est le danger de se faire imposer une tutelle.

«Le gouvernement fédéral va nous mettre en tutelle si on continue comme ça», s'inquiète Clarence Simon, qui appuie le grand chef Serge Simon.

Pour l'heure, Serge et Clarence Simon se plaignent tous deux que le ministère des Affaires indiennes n'intervient pas et s'en tient à la règle de la majorité.

Au ministère des Affaires indiennes, la porte-parole Geneviève Guibert nous a indiqué que Kanesatake n'est pas assujettie aux dispositions de la Loi sur les Indiens et qu'il lui appartient donc «de déterminer ses propres règles de procédure quant aux décisions prises par le conseil de bande».

La vie n'est pas un long fleuve tranquille à Kanesatake. Bien sûr, il y a eu la crise de 1990, mais parmi les événements marquants, il faut aussi souligner l'incendie de la maison de l'ex-grand chef James Gabriel, en 2004. Des affrontements ont aussi failli survenir en 2010 quand un promoteur immobilier blanc avait résolu de construire des résidences en pleine pinède.