Les Italiens de Montréal ont tourné une page sombre de leur histoire, cette semaine, en rendant hommage aux centaines d'Italo-Canadiens qui ont été internés pendant la Seconde Guerre mondiale. Au terme d'une cérémonie particulièrement émouvante, un monument réalisé par le sculpteur Egidio Vincelli a été dévoilé dans le hall de la Casa d'Italia, rue Jean-Talon.

«Pour nous, c'est une façon de boucler la boucle avec cette affaire-là, explique Marianna Simeone, de la Casa d'Italia. Le silence a duré trop longtemps. On avait besoin d'en parler et de le faire avec dignité. On avait besoin de dire: c'est O.K. Maintenant que c'est fait, on peut vraiment regarder de l'avant.»

Rappelons les faits: le 10 juin 1940, lorsque le Canada déclare la guerre à l'Italie, 600 Italo-Canadiens sont arrêtés par la GRC en raison de leur affiliation avec des organisations fascistes. Sans aucune autre forme de procès, la moitié d'entre eux - dont une centaine d'Italo-Montréalais - seront envoyés dans des camps d'internement à Petawawa ou Fredericton. Ni accusés ni coupables, certains resteront emprisonnés jusqu'à la fin de la guerre, et laisseront ainsi leurs familles sans soutien financier pendant près de quatre ans.

«On n'imagine pas la honte, souligne Giovanni Chieffallo», président sortant de la Canadian Italian Business and Professional Association (CIBPA), qui a lancé le projet de commémoration. «Ces gens se sont sentis comme des criminels. Ça les a suivis pendant plusieurs années.»

Selon M. Chieffallo, cette expérience a eu des répercussions durables sur le Montréal italien, qui a mis longtemps à se remettre du traumatisme. La communauté s'est divisée en deux. Stigmatisés, plusieurs «internés» ont eu beaucoup de mal à s'en remettre.

Pas d'excuses

Soixante-dix ans plus tard, les familles concernées et les leaders italo-canadiens attendent toujours des excuses officielles de la part du gouvernement canadien. Mais cela ne semble pas vouloir se concrétiser.

Dans un communiqué diffusé mercredi, le ministre de la Coopération internationale, Julian Fantino, a reconnu les «pénibles épreuves» vécues par la communauté. Enfin, Citoyenneté et Immigration Canada a accordé plus de 168 000$ pour la conception du monument d'Egidio Vincelli.

Mais il en faudra plus, croit Tony Sciascia, pour réparer les erreurs du passé. «Des subventions et des excuses à un banquet, ce n'est pas suffisant pour régler cette histoire, lance le président du Congrès national des Italo-Canadiens. Les excuses qu'on veut avoir, nous, ce sont des excuses au Parlement. Le gouvernement a donné ses excuses à presque tout le monde sauf à nous. Je ne comprends pas pourquoi.»