Considéré comme le dernier recours des personnes qui se voient refuser l'asile au Canada, l'examen des risques avant renvoi (ERAR) permet de moins en moins souvent aux demandeurs d'éviter l'expulsion vers leur pays d'origine.
Selon des chiffres compilés par Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), que La Presse a obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, depuis 2007, le taux de demandes d'ERAR qui ont reçu une réponse positive ne cesse de s'éroder. Il n'était que de 2,5% en 2007. En 2008, ce taux est passé à 2%, puis à 1,7% en 2009 et à 1,4% en 2010 et 2011.
«Ce taux d'acceptation est historiquement bas, répond, par courriel, CIC. Environ 2% de toutes les demandes d'ERAR ont été acceptées lors de la dernière décennie. Ce taux d'acceptation bas n'est pas inattendu, puisque la grande majorité de demandeurs d'ERAR sont des demandeurs d'asile déboutés.»
Créé en 2001, l'examen des risques avant renvoi permet de déterminer si une personne à qui on a refusé le statut de réfugié court des risques de torture, de persécution ou de violence si on la renvoie dans son pays d'origine. Les agents d'immigration chargés d'examiner les dossiers n'ont aucun quota d'acceptation ou de refus à atteindre, selon CIC. Mais, dans plus de 98% des cas, leur décision confirme celle de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR).
«L'ERAR est une procédure où on prétend examiner les risques de torture, mais, dans les faits, ce n'est pas le cas, estime Stewart Istvanffy, avocat spécialisé en immigration. C'est un système où il y a beaucoup de ressources pour dire non à tout le monde, mais pas pour la justice.»
Couperet
«L'ERAR devait être un filet de protection, mais ce n'est pas le cas», regrette la députée Sadia Groguhé, porte-parole adjointe du NPD en matière d'immigration.
Déjà très rarement favorables aux demandeurs, les examens de risques avant renvoi sont désormais assujettis aux nouvelles restrictions imposées par la loi visant à protéger le système d'immigration (ou projet de loi C-31), entrée en vigueur au début de l'été.
Les demandeurs d'asile déboutés doivent maintenant attendre un an pour présenter une demande d'examen.
«Les limites visant les demandes d'ERAR permettront d'éliminer le chevauchement des procédures de recours utilisées après le rejet de la demande et de dissuader les demandeurs déboutés d'utiliser ces recours pour retarder leur renvoi, explique CIC. La plupart des personnes qui présentent une demande d'ERAR qui est rejetée présentent une deuxième demande. Dans un cas cependant, une personne a présenté une nouvelle demande d'ERAR neuf fois.»
Dans les faits, demander un examen des risques avant renvoi devient de moins en moins possible puisque les demandeurs auront été expulsés avant qu'ils puissent le faire.
Le NPD cite le cas d'une mère et de sa fille arrivées en 2009 dont la demande d'asile a été rejetée cette année. Toutes deux ont fait une demande de résidence permanente pour considérations humanitaires, mais elles sont visées par un avis d'expulsion ce mois-ci. Avant le changement apporté à la loi, elles auraient pu demander un examen des risques et obtenir un sursis. Avec les nouvelles dispositions, elles n'auront pas d'autre option que de quitter le Canada ce mois-ci.
«Le couperet est vraiment affûté: les gens n'ont même plus la possibilité de faire appel à l'ERAR, qui était déjà leur dernier recours», estime Sadia Groguhé.
Depuis 2007, les personnes qui ont pu éviter un renvoi à la suite d'un ERAR venaient le plus souvent de l'Iran, de la Colombie, de la Hongrie, du Mexique, de la Somalie et de l'Arabie saoudite.
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L'examen des risques avant renvoi (ERAR), en chiffres
> Nombre d'ERAR qui ont permis d'éviter un renvoi (Canada)
2007 - 190
2008: 126
2009: 109
2010: 90
2011: 123
1er trimestre 2012: 30
> Nombre d'ERAR qui se sont soldés par un renvoi (Canada)
2007: 7373
2008: 6030
2009: 6486
2010: 6200
2011: 8520
1er trimestre 2012: 3205
> Taux de réponses positives à la suite d'un ERAR
2007 2,5%
2008 2,0%
2009 1,7%
2010 1,4%
2011 1,4%
2012 0,9%
> Délais de traitement d'une demande d'ERAR, en mois, pour 80% des demandes
2007 9 mois
2008 10 mois
2009 15 mois
2010 15 mois
2011 6 mois
2012 8 mois
> Les ERAR sont le plus souvent demandés par des citoyens issus des pays suivants
Mexique
Inde
Colombie
États-Unis
Saint-Vincent
Nigeria
Hongrie
Chine
Jamaïque