Les partis d'opposition en Ontario ont demandé à Dalton McGuinty de rappeler l'Assemblée législative, mardi, car ils considèrent qu'il n'y a aucune raison de mettre un terme aux activités parlementaires pendant que les libéraux se choisissent un nouveau leader.

M. McGuinty a pris tout le monde par surprise lorsqu'il a annoncé sa démission de ses fonctions de premier ministre et la prorogation de l'Assemblée législative, lundi soir, au moment où le gouvernement minoritaire était pris à partie en raison de l'annulation de la construction de centrales électriques, à Oakville et Mississauga, et de problèmes chez Ornge, un service d'ambulances aériennes.

Sa décision de proroger le parlement a provoqué la grogne des conservateurs et des néo-démocrates, qui ont rapidement accusé M. McGuinty, mardi, de mettre les intérêts de son parti devant ceux de la population.

Selon la chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Andrea Horwath, les libéraux n'avaient pas besoin d'une prorogation pour se choisir un nouveau chef, mais bien pour éviter de faire face à la musique face à leur décision d'annuler la construction des deux centrales au gaz naturel pour sauver leurs sièges dans ces régions, une décision qui devrait coûter 230 millions $ aux contribuables ontariens, a-t-elle ajouté.

«Les libéraux n'agissent que dans leur propre intérêt, et ne veulent pas subir les conséquences de leurs décisions politiques», a-t-elle déclaré.

Le chef progressiste-conservateur Tim Hudak, croit lui aussi qu'il est possible de poursuivre les travaux à Queen's Park pendant que les libéraux tiennent une course à la direction.

«Je vous demande de commencer immédiatement une nouvelle session parlementaire», écrit M. Hudak dans une lettre envoyée mardi à M. McGuinty.

Devant quelques journalistes, M. Hudak a affirmé qu'il trouvait que M. McGuinty n'avait plus «le feu sacré» pour gouverner. Il a lui aussi attaqué le premier ministre pour sa décision de «mettre la clé dans la porte» de l'Assemblée législative.

«Je respecte sa décision de démissionner, mais je ne respecte pas, et je suis fortement en désaccord avec la prorogation de l'Assemblée», a-t-il dit.

Aux dires du professeur de science politique de l'Université McMaster à Hamilton Henry Jacek, M. McGuinty aurait pu vouloir essayer d'éviter les controverses. Mais il accepte malgré tout l'explication du premier ministre sortant, selon laquelle l'Assemblée avait été prorogée puisque le gouvernement minoritaire ne pouvait pas obtenir l'appui nécessaire à son plan de gel des salaires des fonctionnaires pour réduire le déficit de 14,4 milliards $.

«Il n'y a pas de doute que les audiences d'Ornge et la motion de défiance ont particulièrement l'ont particulièrement agacé», a dit M. Jacek.

«Je crois qu'il a constaté, au début octobre, qu'il ne serait pas capable de faire adopter son initiative de gel des salaires à l'Assemblée, que les conservateurs ne l'appuierait pas, et qu'il se trouvait véritablement dans un cul-de-sac parce qu'il ne pourrait plus contrôler les finances de la province.»

Le président du Parti libéral Yasir Naqvi n'a pas voulu se prononcer sur le temps nécessaire pour organiser un congrès pour trouver un nouveau chef, mais M. Jacek a prédit que cela pourrait avoir lieu vers la fin de janvier ou au début février, et que le tout serait suivi d'un discours du Trône, d'un budget provincial, puis d'élections.

De son côté, M. McGuinty a mentionné à ses ministres, mardi, que ceux-ci devraient quitter leur poste s'ils se lançaient dans la course visant à le remplacer. La majorité d'entre eux ont mentionné qu'il était trop tôt pour faire ce genre d'annonce.

Le ministre de l'Environnement Jim Bradley, qui compte 35 ans d'expérience comme député, a été le seul membre du cabinet a clairement exclure une participation à la course, alors que le ministre des Finances Dwight Duncan, qui a déjà dit «ne pas avoir le charisme nécessaire» pour devenir chef, a été le seul à avouer qu'il envisageait de se présenter.

Lundi, M. McGuinty a annoncé qu'il demeurerait chef jusqu'à ce que les libéraux élisent son remplaçant, ajoutant que le rappel de la législature devrait attendre ce moment.

La Fédération du travail de l'Ontario a déclaré, pour sa part, que la prorogation pourrait donner assez de temps au gouvernement pour parvenir à une entente avec les syndicats du secteur public.

«La question ne se pose pas: les travailleurs sont intéressés à négocier avec le gouvernement... et je m'attends à conclure une entente sur le gel des salaires», a déclaré le président de la Fédération, Sid Ryan.

Aux yeux du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), toutefois, la prorogation de l'Assemblée est un affront à la démocratie.

«Le premier ministre tente de dissimuler un scandale qu'il a lui-même provoqué», a laissé entendre le président de la branche ontarienne du SCFP, Fred Hahn.

Justin Trudeau contre Dalton McGuinty?

Le candidat à la chefferie du Parti libéral du Canada Justin Trudeau affirme qu'il accueillerait avec plaisir le premier ministre ontarien sortant Dalton McGuinty si celui-ci décidait de se lancer dans la course.

M. Trudeau, qui serait déjà en tête avant même le début officiel de la campagne, a déclaré mardi à Halifax qu'il ne voulait pas spéculer sur les intentions de M. McGuinty, au lendemain de la démission de ce dernier à titre de premier ministre de l'Ontario et de chef du Parti libéral.

Aux dires du député de Papineau, M. McGuinty a bien servi sa province et son pays. Il a par ailleurs rappelé qu'il s'attendait à une course à la direction du Parti avec des candidats «crédibles et robustes». M. Trudeau n'a cependant pas voulu commenter davantage.

Lors d'un discours prononcé devant des élèves d'une école secondaire de Halifax, M. Trudeau a ajouté qu'il n'avait pas parlé avec Dalton McGuinty, mais qu'en cas d'absence d'intérêt de ce dernier pour la chefferie du PLC, la course rassemblerait malgré tout des candidats intéressants.

M. McGuinty, qui a été élu premier ministre de l'Ontario en 2003, n'a pas écarté une course au niveau fédéral, et des sources soutiennent qu'un plan de campagne a déjà été mis sur pied.

Un mouvement pour rediriger M. McGuinty vers la scène fédérale a été alimenté par un sentiment voulant que la course à la chefferie libérale a besoin d'un poids lourd pour contrebalancer l'effet Justin Trudeau, fils aîné du défunt ancien premier ministre Pierre Elliott Trudeau.