En 2013, 25 nouveaux radars photo vont fleurir au bord de nos routes. Or, la technologie qu'a choisie le précédent gouvernement libéral est plus complexe, limitée et coûte jusqu'à trois fois plus cher qu'en France, pays cité en exemple.

Le gouvernement, les ministres des Transports et les apôtres de la sécurité routière aiment citer la France en exemple pour démontrer l'utilité des radars photo pour sauver des vies sur les routes. Mais le parallèle s'arrête là. Car lorsqu'il s'agit de comparer les technologies, les coûts d'acquisition et d'entretien ainsi que la souplesse d'installation de ces appareils, le Québec fait pâle figure. Pourquoi? En particulier parce que nos véhicules n'ont plus de plaque d'immatriculation à l'avant depuis 1979. Cette décision, qui visait à l'époque à faire des économies, coûte une fortune aujourd'hui.

Quiconque a déjà roulé en France a pu constater, parfois à son détriment, la simplicité technique et l'efficacité du système de radars photo. Le radar proprement dit, l'appareil photographique numérique et le flash sont contenus dans une simple boîte blindée, rectangulaire ou cylindrique. Le même dispositif mesure la vitesse des véhicules, puis, s'il y a excès de vitesse, photographie le conducteur et la plaque d'immatriculation si la mesure est prise de face, ou seulement la plaque arrière si le radar est positionné dans l'autre sens.

Grâce à leur encombrement minimum, tous ces dispositifs sont faciles à installer même dans un lieu exigu. Par exemple au bord d'une autoroute urbaine sans terre-plein central, à la sortie d'un tunnel ou dans un secteur sans dégagement latéral.

Coût moyen par appareil: environ 70 000 (91 000$), ou près de 90 000 (110 000$), installation comprise, pour les modèles plus complexes (dits «discriminants»).

La plupart sont des modèles Mesta fabriqués par Safran. La palme de la technologie et du design revient au Falco, de la firme Parifex. Ces appareils de quatrième génération à effet Doppler, très discrets, peuvent capter la vitesse de cinq véhicules à la fois sur quatre voies de largeur, explique à La Presse François Genon, responsable du secteur «vitesse» de Parifex. Il peut aussi déterminer grâce à un télémètre laser quels sont les véhicules en infraction et sur quelle voie. L'avantage financier est certain puisque, jusqu'à présent, les photos qui montraient deux véhicules captés ensemble étaient rejetées par le service chargé de traiter les contraventions. Le Falco peut aussi distinguer un camion d'une automobile puisque les limitations de vitesse ne sont pas les mêmes selon le type de véhicule. En France, 200 de ces appareils seront installés cette année.

À cela s'ajoutent les radars mobiles, installés dans des véhicules banalisés ou bien posés sur un simple trépied de type photographique pour des contrôles inopinés.

Cet arsenal est complété par un millier de radars dits pédagogiques (4000 à la fin de 2012), qui indiquent au conducteur sa vitesse.

Les radars au Québec

Au Québec, pour prendre sur le fait les conducteurs en excès de vitesse ou ceux qui brûlent les feux rouges, il ne faut pas un appareil, mais trois (deux appareils photo plus un flash) parce qu'il n'y a pas de plaque d'immatriculation à l'avant des automobiles.

Ce n'est pas tout. Ce système nécessite l'enfouissement sous la chaussée de «boucles d'induction mécanique», qui mesurent la vitesse du véhicule. De l'avis même des membres de la Commission des transports et de l'environnement (rapport de novembre 2011), il s'agit d'un système complexe, peu souple et surtout coûteux.

En moyenne, selon le ministère des Transports du Québec (MTQ), chaque système coûte un peu plus de 250 000$, soit deux fois et demie plus cher que le système français. Même leur entretien annuel coûte deux fois plus cher.

C'est la firme CGI qui a obtenu ce contrat en avril 2008 à la suite d'un appel d'offres. Les appareils sont des modèles Robot Visual Systems, de la firme allemande Jenoptik.

Dans son rapport d'évaluation du projet pilote, le MTQ reconnaît que la «nécessité de prendre une photo de l'avant et de l'arrière des véhicules rend les installations plus complexes et contribue à l'augmentation des coûts des équipements et du traitement».

On y explique aussi que plusieurs lieux de contrôle potentiels ont été éliminés «en raison du manque d'espace en bordure de chaussée pour les équipements». La mesure par induction exige aussi un «entretien rigoureux et des vérifications régulières des connexions et des joints d'étanchéité. En outre, la chaussée doit présenter une surface de roulement adéquate». Sur la 20 à Boucherville, ces boucles ont dû être remplacées récemment.

Des «contraintes»

Parifex n'utilise pas les boucles d'induction parce qu'elles coûtent cher et que leur durée de vie est limitée à un ou deux ans. Mais on se dit néanmoins capable de fournir un système plus simple, sans boucle, adapté à la réalité québécoise.

Alors pourquoi le Québec a-t-il choisi un système aussi complexe et coûteux? La firme CGI n'a pas voulu répondre à nos questions. Elle explique avoir proposé au MTQ une «technologie qui avait été testée». Alors que le ministère français des Transports a répondu dans la journée à toutes nos questions, chiffres précis à l'appui, obtenir des réponses au MTQ a été au contraire laborieux. Le porte-parole Guillaume Beaurivage a simplement dit à La Presse que son ministère est «au courant des autres technologies qui existent dans le monde» mais qu'il est soumis à des «contraintes» particulières, évoquées plus haut, qui ont dicté le cahier des charges remis au fournisseur. Quant aux différences de coûts, elles s'expliquent certainement, selon le MTQ, par le fait que la France a acquis des milliers d'appareils et qu'elle était donc en meilleure position pour négocier.

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Le combat des radars

AU QUÉBEC

>15 radars photo

>25 radars photo de plus en 2013 (10 fixes, 5 mobiles, 10 de feu rouge)

>255 602$ coût moyen d'un appareil

>21 472$ coût annuel d'entretien d'un appareil

>24 dossiers à l'heure en moyenne au Centre de traitement de la preuve

>76$ coût moyen d'un constat

> Contravention envoyée dans les six jours

EN FRANCE

>2129 radars photo fixes

>933 radars photo mobiles

>647 radars de feu rouge

>1200 radars pédagogiques (informatifs)

>630 millions d'euros de recettes

>70 000 (91 000$) coût moyen d'un radar fixe

>95 000 (117 000$) coût radar fixe, avec installation

>105 000 (129 000$) coût radar fixe «discriminant», avec installation

9000 (11 000$) coût annuel moyen de l'entretien d'un appareil

7000 dossiers traités à l'heure au Centre national de traitement

> Contravention envoyée dans les trois jours

Sources: Transports Québec (Rapport d'évaluation du projet pilote), Délégation à la sécurité et à la circulation routière (France) et Commission des finances et de l'économie de l'Assemblée nationale (France)