Les conditions de sécheresse aux États-Unis pourraient entraîner une hausse de près de quatre pour cent des prix des aliments l'an prochain, prévoient des économistes, qui s'attendent à ce que tout coûte plus cher, de la viande de porc aux céréales, y compris au Québec.

L'économiste de RBC Paul Ferley affirme que les augmentations seront similaires à celles observées en 2011, lorsque la demande des économies émergentes comme la Chine et l'Inde a provoqué une hausse des prix alimentaires.

Il s'attend à ce que les prix des aliments augmentent de 2,5 à 3,5 pour cent cette année, et de trois à quatre pour cent l'an prochain.

Une sécheresse extrême sévit dans plusieurs États du Midwest américain, desséchant les cultures de maïs et de soja. Ses effets se répercuteront dans la chaîne alimentaire, mais également dans les portefeuilles des Québécois.

Selon Charles Tanguay, responsable des communications à l'Union des consommateurs, une telle hausse serait «très préoccupante», car bon nombre de ménages doivent déjà recourir aux banques alimentaires.

«De plus en plus de gens devront couper dans les dépenses ou revoir leur façon de manger pour joindre les deux bouts», croit-il. «Souvent, ça veut dire laisser tomber les aliments sains au profit d'autres, moins chers, mais également moins nutritifs.»

De son côté, la spécialiste des produits de base des marchés à la Banque Scotia, Patricia Mohr, prévoit que la hausse du coût de la viande bovine et porcine sera plus visible sur les tablettes des épiceries, car le maïs est utilisé pour nourrir le bétail aux États-Unis. Les volailles pourraient également être affectées.

Mme Mohr souligne que certains types de céréales ont été touchés par la sécheresse, ce qui pourrait gonfler le prix des produits de boulangerie et des pâtes.

De plus, le fructose et le sirop de maïs, qui sont utilisés dans de nombreux types de produits alimentaires transformés, pourraient coûter plus cher, tout comme des articles fabriqués à partir de canola, notamment la margarine et les vinaigrettes.

Résultat: les Québécois devront découvrir de nouvelles façons de se nourrir, croit M. Tanguay.

«Il faudra cuisiner plus, réduire l'achat d'aliments transformés, acheter et cuisiner en groupe, congeler, effectuer une gestion plus serrée du réfrigérateur», suggère-t-il, tout en rappelant la tendance populaire du «freeganisme», ou «gratuivorisme», qui consiste à utiliser ce que les marchés et épiceries jettent aux ordures.

Il déplore par ailleurs qu'on ait mis au rancart le «rapport Pronovost» de la Commission sur l'avenir de l'agriculture et de l'agroalimentaire québécois, qui proposait entre autres une modification du modèle agricole. «Le gouvernement le laisse dormir depuis quatre ans», lance-t-il.

«C'est dramatique, parce que la tendance lourde, c'est la hausse du prix du pétrole et des intrants chimiques - pesticides, engrais et autres. Le prix des aliments va donc nécessairement continuer à grimper.»

Au Canada, Tim Hortons a augmenté la semaine dernière le prix de certains produits de boulangerie et de déjeuner, citant des coûts d'exploitation plus élevés et une hausse des prix des ingrédients. Le prix d'un muffin est de cinq cents plus élevé, tandis que les sandwichs ont augmenté d'environ 10 cents. Le prix du café n'a pas changé.

De leur côté, les épiceries, face à un marché de plus en plus concurrentiel, pourraient hésiter à transférer la hausse des coûts aux consommateurs.