Le gouvernement du Québec fait fausse route en donnant le libre choix entre l'anglais et le français comme langue de travail du futur gouvernement régional de la Baie-James, soutiennent deux des partis de l'opposition à l'Assemblée nationale.

Selon le Parti québécois, Québec ouvre une brèche dans l'application de la loi 101. «Le gouvernement a créé une exception dans l'application de la loi 101 à la Baie-James. Il a donné au gouvernement régional plus de latitude dans l'usage de l'anglais que ce que les municipalités du Québec ont», déplore Yves-François Blanchet, député de Drummond et porte-parole en matière de langue.

Il craint que, par effet de contagion, les fournisseurs et partenaires du futur gouvernement régional ne puissent pas vraiment faire autrement que de passer à l'anglais quand ils traiteront avec la nouvelle instance.

«Pour arracher une entente à quelques jours du déclenchement d'une campagne électorale, le gouvernement a renoncé à l'application de la Charte de la langue française sur des dizaines de kilomètres carrés du territoire québécois, ce n'est pas rien», poursuit-il.

Au gouvernement du Québec, on se défend d'avoir créé une zone franche à l'abri de la loi 101. «Tous les règlements et lois du Québec s'appliquent dans la nouvelle structure de gouvernance, y compris la Charte de la langue française», a répondu laconiquement le Secrétariat aux affaires autochtones à nos demandes d'éclaircissements sur le sujet.

À première vue, ce que dit l'entente sur la langue de travail diffère du contenu de la loi. L'entente en question crée un gouvernement régional où siégeront de façon paritaire Cris et Jamésiens au cours des 10 premières années. Les Jamésiens sont les habitants non autochtones de la Baie-James. Ce gouvernement remplace la Municipalité de Baie-James (MBJ), dont les Cris étaient exclus.

Mardi, La Presse a écrit que l'article 109 du texte de l'entente historique entre les Cris et le Québec prévoit que le gouvernement régional peut utiliser à sa guise le français ou l'anglais dans ses communications internes et comme langue de travail.

La loi 101, de son côté, stipule dans son préambule que le français est la langue normale et habituelle du travail au Québec.

De plus, l'article 108 de l'entente parle du français et du cri comme langues principales du gouvernement régional. Il s'agit d'un nouveau concept qui n'est défini ni dans l'entente ni dans la loi 101.

L'Office québécois de la langue française n'a pas voulu se prononcer sur la préséance de la Charte de la langue française sur le texte de l'entente conclue avec la nation crie, et a renvoyé les questions de La Presse au Secrétariat aux affaires autochtones.

Inacceptable

Pour Françoise David, porte-parole de Québec solidaire, l'article 109 est inacceptable tel que libellé. «L'impression qu'il donne, c'est que les employés francophones et les Cris, dans le fond, vont se parler en anglais et c'est là où est le problème. Les Cris parlent déjà anglais. Les francophones vont devoir l'apprendre. C'est un recul pour les francophones», dit-elle.

Elle préférerait que le gouvernement régional fonctionne en français et en cri, pas en anglais. Elle souhaite qu'on donne des cours de français aux Cris et des cours de langue crie aux employés francophones du gouvernement régional. À défaut de quoi, elle craint que l'anglais s'impose comme langue commune aux deux groupes linguistiques. «C'est écrit dans le ciel que l'anglais va dominer», dit-elle.

La Coalition avenir Québec, de François Legault, et le parti Option nationale n'ont pas rappelé La Presse.