Guy A. Lepage voulait d'un spectacle pour tous les carrés, «les rouges, les verts, les blancs, les bleus et même les bruns», et c'est ce que nous avons eu. Sous les auspices d'un «printemps québécois» qui s'étire jusque dans la belle saison, les artistes rassemblés au spectacle montréalais pour la Fête nationale n'ont pas ignoré l'omniprésence du carré rouge dans la mer de fleurdelisés qui avait inondé le parc Maisonneuve dimanche soir.

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Selon les organisateurs du concert, plus de 150 000 spectateurs ont profité des airs offerts par Ariane Moffatt, Daniel Bélanger, Alfa Rococo, Isabelle Boulay et Jean-Pierre Ferland (entre autres). Aussi, pour une première fois, la fête a pu se poursuivre jusqu'à 1h du matin, le groupe Misteur Valaire prenant le relais après le grand concert télévisé.

Ariane Moffatt a ouvert le spectacle avec sa chanson Réverbère et son enthousiasme contagieux. On l'a ensuite vue aux côtés de Lepage, tous deux tapant sur des casseroles, ce qui a vite donné le ton de la soirée. Le maître de cérémonie n'a pas tourné autour du pot en prévenant tout de même que «ce n'est pas une manif ce soir, c'est un party!»

Il aura tout de même mis du temps à lever, le party, à cause d'un enchaînement de chansons laborieux qui a fait traîner la première moitié du spectacle. L'hommage au folkloriste Jacques Labrecque par Alain-François, puis les pots-pourris de Jean-Pierre Ferland ont semblé arriver trop tôt dans la soirée, avant que le spectacle ait trouvé son rythme.

Si Ariane Moffatt, chantant Mon Corps avec une troupe de danse, puis David Giguère et sa chanson Encore, ont bien fait en mi-parcours, c'est l'arrivée d'Isabelle Boulay qui a semblé galvaniser la foule. Avec son discours patriotique tendre, très personnel et agrémenté d'extraits chantés, elle a habilement évité les sujets d'actualité délicats et réussi à toucher le public. Misteur Valaire a ensuite francisé une chanson rythmée de son dernier album, puis accompagné Ariane Moffatt pour un salut à Ferland moderne et réussi, amalgamant Le Soleil amène au soleil à Quand on aime on a toujours vingt ans.

Daniel Bélanger a fait un doublé réussi avec son funk L'équivalence des contraires (en début de concert) et surtout avec Les deux printemps, dont le texte, écrit il y a plus de quinze ans, trouvait une résonance nouvelle dans le contexte de la crise étudiante: «C'est la plus belle saison de ma vie»...

C'est toutefois Yann Perreau qui, passant en coup de vent, a réussi à voler le show, avec l'aide de Moffatt. Portant une camisole fleurdelisée et arborant le carré rouge, Perreau s'est déchaîné en chantant Le Bruit des bottes, dont le texte et l'interprétation rageuse pouvaient être perçus comme des cadeaux aux manifestants. Un véritable électrochoc!

En finale, un beau duo Boulay-Moffatt chantant L'âme à la tendresse, accompagné par le violoncelliste Stéphane Tétreault, un medley dynamique d'Alfa Rococo, et une version française inédite de Dance me to the End of Love de Leonard Cohen, interprétée par son fils Adam (littéralement: Danse-moi vers la fin de l'amour).

En guise de salut, Québécois, le vieux succès de la Révolution Française/les Sinners, chantée par un Guy A. Lepage toujours bien en selle à l'animation du spectacle. Sans éviter d'aborder la crise étudiante, Lepage a préféré diriger ses blagues du côté fédéral et du gouvernement Harper «élu majoritaire sans l'aide du Québec».

Ses nombreuses allusions aux décisions des conservateurs ont sans doute fait plaisir au chef du NPD Thomas Mulcair qui assistait au concert, tout comme la chef du Parti Québécois Pauline Marois et de la chef du parti Vision Montréal Louise Harel.

Côté sécurité, la soirée s'est déroulée dans le calme, même si quelques feux d'artifice impromptus ont éclaté dans la foule. Le déploiement policier était imposant.

Quatre arrestations ont été effectuées durant la soirée. Les policiers ont d'abord mis la main au collet d'un individu pour possession de stupéfiants en vue d'en faire le trafic vers 21h30.

Deux heures plus tard, ils ont arrêté un jeune homme qui aurait été en possession d'un engin fumigène. Un membre du public aurait transmis l'information aux forces de l'ordre.

Deux autres individus ont été appréhendés pour voies de fait sur des policiers.

Le porte-parole du Service de police de la Ville de Montréal, Yannick Ouimet, a qualifié la soirée «d'exemplaire».

- Avec la collaboration de Philippe Teisceira-Lessard