Le Canada continue d'accueillir des danseuses érotiques de l'étranger, même si le gouvernement Harper avait formellement promis de fermer le robinet après avoir pris le pouvoir en 2006.

Des documents obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information démontrent que les conservateurs n'ont jamais cessé cette pratique qu'ils dénonçaient avec vigueur lorsque les libéraux étaient au pouvoir.

Bon an, mal an, depuis 2006, le Canada accorde annuellement près d'une centaine de permis de travail temporaires à des danseuses érotiques venant principalement des pays d'Europe. C'est tout de même moins que les quelque 400 permis qui étaient accordés annuellement sous les libéraux (voir tableau).

Pourtant, en 2007, la ministre de l'Immigration de l'époque, Diane Finley, avait présenté un projet de loi visant à refuser d'autoriser un étranger à exercer un emploi au Canada s'il risquait d'être exploité.

«Grâce aux modifications proposées aujourd'hui, les beaux jours du strippergate libéral sont maintenant chose du passé», avait déclaré Mme Finley à la Chambre des communes.

Son Ministère avait de plus indiqué que seulement 17 permis avaient été accordés en 2006 - une information que les données obtenues par La Presse contredisent. En 2006, le nombre de permis s'élevait plutôt à 62.

Le hic: ces 62 permis ont été accordés par le ministère des Ressources humaines, dans une catégorie réservée aux amuseurs publics. C'est la même chose pour les quelque 470 autres accordés les cinq années suivantes.   

Ottawa promet maintenant de régler la question une fois pour toutes.

«Mensonges»

Ancienne ministre de l'Immigration dans le gouvernement de Paul Martin, la députée libérale Judy Sgro cachait mal sa colère en apprenant que les conservateurs n'ont pas donné suite à leur engagement.

«Des mensonges. Des mensonges. Encore des mensonges. Les conservateurs sont de grands parleurs, mais de petits faiseurs», a affirmé Mme Sgro dans une entrevue à La Presse.

Mme Sgro avait été la cible des attaques des conservateurs lorsqu'elle était ministre, en 2004, parce qu'elle avait renouvelé le visa d'une danseuse érotique d'origine roumaine qui avait collaboré à sa campagne électorale.

La députée conservatrice Diane Ablonczy avait notamment accusé les libéraux d'être «complices» du trafic de personnes en accordant des visas à des danseuses érotiques qui doivent travailler dans des bars canadiens.

Devant les hauts cris des conservateurs, Mme Sgro avait démissionné de son poste. Par la suite, toutefois, le commissaire à l'éthique l'avait blanchie de tout conflit d'intérêts. Quelques semaines avant sa démission, son gouvernement avait mis fin au traitement accéléré des visas de danseuses érotiques.

Mme Sgro est d'autant plus irritée qu'elle a contribué, lorsqu'elle était conseillère municipale de Toronto, à mettre sur pied deux programmes venant en aide aux femmes qui tombent dans le monde de la prostitution dans la région de la Ville reine, mais qui ne savent pas comment s'en sortir. Ces deux programmes, auxquels elle contribue en organisant des collectes de fonds, existent encore aujourd'hui.

Même le premier ministre

Par ailleurs, même le premier ministre Stephen Harper a été informé à ce sujet le 2 décembre 2011. La note d'information soumise par le greffier du Conseil privé Wayne Wouters - dont la majeure partie a été censurée - expliquait les conditions qui s'appliquent dans le cas des danseuses érotiques qui demandent un permis de travail temporaire au Canada.

Une porte-parole de M. Harper, Julie Vaux, a indiqué que «le premier ministre consulte régulièrement ses fonctionnaires sur un large éventail de questions».

- Avec William Leclerc

Permis pour danseuses érotiques

2001: 154

2002: 350

2003: 681

2004: 423

2005: 105

Total sous les libéraux: 1713

2006: 62

2007: 63

2008: 73

2009: 103

2010: 102

2011: 93

Total sous les conservateurs: 496