Le gouvernement Charest pourrait entamer un autre recours légal contre Ottawa, cette fois pour faire reconnaître ses droits en matière bancaire.

Cette nouvelle querelle de compétences risque de s'ajouter aux nombreux contentieux portés par Québec devant les tribunaux ces derniers mois aux côtés du registre des armes à feu, des congés parentaux, de la réforme du Sénat et des valeurs mobilières.

«Toutes les hypothèses sont possibles», a indiqué vendredi le ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, inquiet du changement qu'entend apporter le gouvernement de Stephen Harper à la Loi sur les banques.

«Nous allons continuer d'indiquer au gouvernement fédéral que nous entendons appliquer nos lois, qui ont été adoptées en fonction de nos juridictions concernant le droit civil, en matière de contrats, en matière de protection du consommateur et pour nous, il n'est pas question de reculer là-dessus», a-t-il assuré lors d'un point de presse à l'Assemblée nationale.

Dans leur projet de loi controversé de mise en oeuvre du budget (C-38) - une brique de plus de 400 pages modifiant une soixantaine de lois - les conservateurs ajoutent au préambule de la Loi sur les banques qu'il est dans l'intérêt national que le fédéral ait des normes «exclusives» sur les produits et services bancaires.

De passage à Québec vendredi pour prononcer une allocution dans le cadre du Congrès «Panorama paiements», le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, a de son côté défendu la position de son gouvernement.

Affirmer le caractère «exclusif et national» des normes bancaires permet, selon lui, de protéger la réputation sans tache du Canada dans ce domaine.

«Les provinces et les territoires ont des compétences sur les coopératives financières comme les caisses populaires, mais le gouvernement fédéral est responsable du système bancaire et continuera de l'être. Nous protégerons la superbe réputation du Canada en cette matière», a-t-il fait valoir.

Il est «très clair dans la constitution de notre pays que la juridiction en matière bancaire revient au gouvernement fédéral et nous tenons à protéger cette juridiction», a poursuivi le ministre.

En vertu de la constitution canadienne, la compétence sur les banques relève du gouvernement fédéral mais Québec dispose de pouvoirs en matière de «contrats», notamment les contrats de crédit. Le gouvernement québécois exerce aussi sa compétence en ce qui a trait à la protection des consommateurs.

Informés des intentions d'Ottawa, des groupes de consommateurs québécois ont récemment sonné l'alarme. Ils craignent de perdre des protections et des droits de recours prévus par le Code civil et la Loi sur la protection du consommateur si le seul régime fédéral s'applique aux banques.

La compétence du Québec en droit civil et en matière de contrats est pourtant «très claire et incontestable», a souligné le ministre Fournier, qui est aussi responsable de l'Office de la protection du consommateur.

«Le Québec va assumer ses responsabilités constitutionnelles, nous avons la juridiction en matière de droit civil, en matière de contrats, j'ai personnellement la responsabilité de la protection du consommateur et j'entends assumer mes responsabilités», a-t-il insisté.

S'il est trop tôt pour annoncer la suite des choses, la possibilité d'un recours légal contre le gouvernement fédéral n'est pas écartée pour autant, a fait comprendre le ministre Fournier.

«N'anticipons pas sur les réponses, je dis simplement que toutes les hypothèses sont possibles», a-t-il dit.

Selon lui, le gouvernement Harper erre s'il croit pouvoir «absorber» les compétences des provinces avec un nouveau préambule à la Loi sur les banques.

«Je crois qu'ils font erreur, et il est important de leur dire dès ce moment-ci. Ce n'est pas en changeant un préambule qu'on change la constitution», a-t-il soulevé.