Le mouvement des casseroles prend encore de l'ampleur. Des dizaines de milliers de Québécois sont descendus sur le trottoir, hier à 20 h tapant, pour protester contre la loi d'exception dans un capharnaüm assourdissant.

Une semaine après la naissance du mouvement de protestation populaire à Montréal, le phénomène s'est répandu bien au-delà des frontières de la métropole. Et l'enjeu n'a plus grand-chose à voir avec la hausse des droits de scolarité.

Des manifestations en banlieue de Montréal, mais aussi en Mauricie, en Outaouais, au Saguenay, en Gaspésie. Plusieurs quartiers de Québec ont résonné au rythme des casseroles.

À Longueuil

À Longueuil, le joyeux tintamarre enterrait le grondement sourd du tonnerre.

Parmi les manifestants, Emily Koehler s'affichait comme une «Américaine endettée et solidaire». Originaire du Maine, elle traîne une dette d'études de plus de 100 000$.

«C'est normal aux États-Unis. Je ne veux pas que cela arrive ici. J'ai choisi de vivre au Québec pour offrir mieux à mes enfants», explique-t-elle.

Mais pour plusieurs, l'enjeu ne concerne plus seulement la crise étudiante. «Les chaudrons, cela dépasse le carré rouge. On n'a pas le droit de mettre le doigt dans l'oeil de la démocratie comme cela», dit le conteur Fred Pellerin, qui a lui-même «chaudronné» à Saint-Élie-de-Caxton.

Mauvais souvenir pour des Chiliens

Le mouvement des casseroles s'inspire d'une pratique répandue en Amérique du Sud, le plus souvent pour exprimer un ras-le-bol de la vie chère et des politiques néolibérales.

Mais pour des Chiliens qui se sont établis au Québec après avoir fui la dictature d'Augusto Pinochet, ce tintamarre rappelle de bien mauvais souvenirs.

Ironiquement, la mouvement a été initié par des partisans de l'extrême droite chilienne, en 1971, pour déstabiliser le gouvernement socialiste de Salvador Allende.

«Ces femmes sortaient dans la rue, couvertes de bijoux, pour protester contre Allende et les pénuries, alors que leurs réfrigérateurs étaient pleins à craquer de nourriture», raconte Ximena, qui a fui la dictature de Pinochet en 1974.

Aujourd'hui, cette Québécoise d'adoption trouve «difficile de voir les gens copier ce geste, surtout quand on a vu et connu tant de personnes qui en ont souffert».