C'est un drôle d'endroit pour parler de péréquation et du Québec: l'autobus de campagne de Danielle Smith file vers le sud de l'Alberta, entre les champs et les montagnes. Ses parents sont assis sur le banc d'en avant. Ses organisateurs, tous des ex-adjoints du gouvernement Harper à Ottawa ou des anciens du Reform Party, se partagent l'espace avec sa famille, son mari et ses deux chiens.

«Je ne critique pas les programmes sociaux, dit-elle. Je dis seulement que si vous voulez avoir ces programmes sociaux, l'Alberta ne devrait pas les payer.»

Si elle est élue première ministre de la province la plus riche du Canada ce soir, la chef du Parti Wildrose a promis de faire des pressions «agressives» sur Ottawa pour diminuer la péréquation, un programme fédéral de redistribution de la richesse qui rapporte plus de 7 milliards de dollars par année au Québec.

La province francophone est le plus grand bénéficiaire de ce système depuis sa création en 1957, et les Albertains critiquent depuis longtemps certains programmes sociaux québécois qu'ils ne se permettent pas chez eux - les garderies à 7$, entre autres.

Le gouvernement albertain a souvent promis de s'attaquer à cette question. «Le Parti conservateur parle beaucoup, mais il ne ferait pas grand-chose», précise cependant le politologue Duane Bratt, de l'Université Mount-Royal, à Calgary.

«Le Wildrose ferait plus que japper. Le parti tenterait d'en faire un enjeu majeur.»

Il faut dire que les liens entre le Wildrose et les troupes de Stephen Harper sont étroits: «Je connais M. Harper et sa femme Laureen depuis un certain temps. Quand j'ai été candidate à la commission scolaire en 1998, Laureen était la designer graphique pour mon dépliant.»

Malgré tout, «je pense que la dernière chose que veut Harper, c'est une bataille sur la péréquation, croit Duane Bratt. Ça ne serait pas bon pour l'unité nationale, c'est le moins que l'on puisse dire».

Danielle Smith voit les choses autrement. «Je ne vois pas cela comme une menace du tout. Je vois cela comme une discussion positive à avoir» dit-elle.

«Il doit y avoir des Québécois qui sont préoccupés par le niveau de dépendance relativement aux transferts d'Ottawa? Pourquoi ne voudraient-ils pas de notre aide pour devenir financièrement autosuffisants?»

Pour atteindre ses objectifs, elle évoque la possibilité de réduire les transferts de sa province à Ottawa en créant un régime de pension albertain, notamment. Elle parle aussi de transfert de points d'impôts ou de répartition d'une portion des surplus fédéraux selon une formule basée sur le nombre d'habitants.

Elle précise cependant que sa première démarche en tant que première ministre serait d'appeler ses homologues provinciaux pour trouver des terrains d'entente. «Je ne voudrais sûrement pas commencer avec une question sur laquelle je sais que nous aurons un grand désaccord.»

Elle souhaite notamment parler à Jean Charest de la promesse du Wildrose de militer pour inclure la reconnaissance du droit de propriété dans la Charte canadienne des droits et libertés.

Mais il faudra tôt ou tard parler de péréquation, dit-elle. Et plus tôt que tard - même si elle ne donne pas d'échéancier précis.

La «conversation» qu'elle souhaite avoir ne se fera pas sans heurts, estime le professeur Duane Bratt. «Les tensions entre l'Alberta et le Québec augmenteraient sous un gouvernement du Wildrose. Il n'y a aucun doute là-dessus.»