Pierre Karl Péladeau réclame la démission d'Hubert T. Lacroix. Dans une lettre ouverte publiée hier, il accuse le dirigeant de Radio-Canada de mener une campagne de dénigrement contre son entreprise.

«Les accusations proférées à notre égard (Quebecor) par monsieur Lacroix démontrent qu'il a tout faux et qu'il est grand temps qu'il laisse son siège de PDG de CBC/Radio-Canada à une personne qui saura redonner à la fonction ses lettres de noblesse», écrit-il dans une lettre publiée hier dans le quotidien Le Devoir.

«Pis encore, le leader de cette organisation, dont une partie importante de la subvention de plus de 1,1 milliard de dollars que lui attribue le gouvernement fédéral est destinée à l'information des Canadiens, a encore une fois manqué de respect à la vérité pour mieux servir son opération de sape de notre entreprise démarrée il y a maintenant plus de quatre ans», ajoute-t-il.

«C'est à proprement parler inimaginable, sinon dans des pays où la démocratie est à géométrie variable, qu'un haut fonctionnaire se fasse le complice d'une opération de dénigrement de cette envergure», affirme M. Péladeau.

Plus loin, M. Péladeau compare M. Lacroix au responsable des grands procès contre les bolcheviks à l'époque de Staline. «Dans la foulée du procès récemment effectué par le reportage sans fondement sur Quebecor de la généralement très bonne émission Enquête, Hubert T. Lacroix, digne d'un Vychinsky, a choisi d'instruire lui aussi uniquement à charge, compromettant ainsi la dignité de sa fonction.»

Le président et chef de la direction de Quebecor réagit notamment aux propos «indignes» que Hubert T. Lacroix a tenus devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Le 10 février dernier, le président-directeur général de Radio-Canada/CBC a affirmé qu'il allait défendre les intérêts du radiodiffuseur public «chaque fois que Quebecor s'attaquera à notre marque ou à nos personnes sans le faire en se référant à des faits ou que leurs attaques s'avéreront inappropriées, je me lèverai, le dirai tout fort... et nous rétablirons les faits».

Sun TV blâmée

Ce nouvel épisode dans la querelle entre les deux entreprises médiatiques fait suite à une autre lettre, envoyée deux jours plus tôt par M. Lacroix à Françoise Bertrand, présidente du conseil d'administration de Quebecor, et Serge Gouin, président des conseils de Quebecor Media et Groupe TVA. Dans cette missive datée du 14 février, il s'adresse aux deux membres de conseil d'administration pour tenter de les sensibiliser et pour essayer de raisonner M. Péladeau.

Selon M. Lacroix, les «animateurs dits «vedettes» de votre réseau de télévision Sun TV utilisent dorénavant vos journaux et vos ondes pour nous insulter publiquement». M. Lacroix enchaîne avec une liste d'insultes proférées à son égard aux heures de grande écoute comme «pompous little prick» (petit minable prétentieux), «wastrel» (gaspilleur), «money-burning» (dépensier) ou encore «party hard elitist» (élitiste qui brûle son argent et qui fait la fête).

Il dénonce également une vidéo créée par Sun TV (propriété de Quebecor) et qui «dépasse les bornes». La vidéo en question présente la vice-présidente, services anglais de CBC à côté de personnages dénudés de la série Hard (présenté sur Tou.TV, appartenant à Radio-Canada). Certaines parties de leur corps sont camouflées par des logos de Radio-Canada/CBC.

«Cette initiative est tout simplement inacceptable, disgracieuse, et ne cherche qu'à ternir l'image et la réputation d'une des principales dirigeantes de CBC/Radio-Canada», déclare M. Lacroix.

Dès le lendemain, le 15 février, le vice-président aux affaires juridiques de Quebecor a transmis à M. Lacroix la réponse de son entreprise. Marc Tremblay affirme que le reportage décrié «s'inscrit sans réserve dans les paramètres du droit à la liberté d'expression tel qu'il existe au Canada».

M. Tremblay affirme par ailleurs que le conseil d'administration ne peut pas s'immiscer dans le travail des journalistes de l'entreprise, et ce, d'aucune manière.

«Nous ignorons de quelle manière se passent les choses chez vous, mais nous vous confirmons qu'au sein de QMI, le respect de l'indépendance des salles de rédaction est un principe sacré et appliqué de façon absolue, et que nous ne pouvons imaginer en vertu de quel droit le Conseil d'administration pourrait dicter une façon de faire aux professionnels de l'information de nos médias, que ce soit quant au fond ou à la forme de leur expression journalistique.»

«Les journalistes de Radio-Canada/CBC seraient les premiers à décrier pareille intervention», ajoute-t-il.

Ni Quebecor, ni Radio-Canada n'ont répondu à nos questions.