Lorsque l'ancien économiste du secteur bancaire Don Drummond dévoilera en conférence de presse, mercredi, son étude fort attendue des finances gouvernementales de l'Ontario, il devra marcher sur des oeufs.

Plusieurs des changements que M. Drummond recommandera sans doute, allant des réductions dans le système de santé et d'autres services publics à la refonte du mode opératoire du gouvernement, dépendent en effet de ses prévisions économiques pour la province au cours des prochaines années.

L'ancien moteur de croissance de l'économie n'a pas perdu toute sa puissance, puisqu'il représente encore 40 pour cent de l'activité économique du pays. Mais il tourne de plus en plus au ralenti, alors que la croissance économique canadienne se déplace lentement vers les provinces de l'Ouest, riches en ressources.

Au cours des prochaines années, une croissance plus faible viendra ainsi réduire les revenus de taxation des consommateurs et des entreprises, rendant encore plus difficile l'atteinte de l'équilibre budgétaire de cette province déjà serrée sur le plan financier.

En 2008, M. Drummond faisait partie des premiers observateurs à envisager ce changement, déclenchant une tempête médiatique en prédisant que l'Ontario aurait bientôt besoin de paiements de péréquation du fédéral pour la première fois de son histoire.

Selon lui, les forces qui faisaient de l'Ontario une puissance industrielle mondiale ont disparu, particulièrement en raison de la récession aux États-Unis et de la faiblesse de la reprise.

«Cela ne veut pas dire que la machine ontarienne ne peut pas se remettre sur pied, mais elle doit le faire sur des fondations différentes et, fiscalement, il ne s'agit pas de quelque chose que vous pouvez tenir pour acquis.»

Lors d'une récente analyse en profondeur, le Conference Board du Canada dit ne pas voir l'Ontario revenir en tête de peloton d'ici peu.

Selon les prévisions, l'économie ontarienne risque plutôt de croître à une vitesse moindre que la moyenne nationale pendant la prochaine décennie, ce qui aurait un impact majeur sur le déficit provincial et retarderait pendant des années un retour à l'équilibre budgétaire.

Ce qui explique ce changement est sans doute le fait que l'économie ontarienne, sous bien des aspects, a été conçue pour un monde différent, lorsque l'industrie manufacturière était reine et que le marché américain était tout ce qui importait.

Dans son rapport, M. Drummond cite la faiblesse de la reprise en lien avec les facteurs externes que sont les turbulences financières en Europe et la morosité de l'économie américaine comme facteurs expliquant en partie les prévisions pessimistes pour l'Ontario.

À cela, il faut ajouter la force du dollar, la poursuite de la décroissance du secteur manufacturier, le vieillissement de la main-d'oeuvre et le ralentissement de l'immigration, tous des aspects s'unissant pour limiter le potentiel économique de l'Ontario.

Si l'Ontario vise à garder le cap sur une limitation à 1,7 pour cent par année de la croissance des dépenses publiques, un pourcentage très bas ne tenant pas compte de l'inflation, le déficit de 16 milliards $ ne sera pas éliminé avant 2021-2022, soit quatre ans de plus que l'objectif de Queen's Park.

Si le gouvernement conservait sa cible mais limitait la croissance des dépenses en santé à seulement 4,7 pour cent, soit plus de deux points sous le niveau actuel, le budget serait déficitaire jusqu'en 2031. Pour atteindre l'objectif d'équilibre en 2017-2018, le taux de croissance se devrait d'être 0,7 pour cent, une tâche très importante, alors que la santé représente 44 pour cent des dépenses provinciales.

Pour le Conference Board, le coup de barre à donner correspondrait à une hausse de la taxe de vente provinciale de 8 à 15 pour cent. Le gouvernement McGuinty a pourtant annoncé vouloir éviter une hausse de taxes, laissant la porte ouverte à des réductions de dépenses draconiennes.