La mine basse, 6000 employés de la Ville de Toronto ont accepté de sacrifier une grande partie de leur sécurité d'emploi pour éviter de se retrouver en lock-out en plein hiver.

Les cols bleus torontois ont accepté «par une large majorité» hier leur nouveau contrat de travail en vertu duquel ils devront désormais patienter 15 ans avant d'avoir droit à une permanence, un changement qui risque d'avoir un impact majeur dans les négociations dans le secteur public partout au Canada.

«Nous avons perdu beaucoup. Nous avons perdu tous les gains que nous avions faits dans nos trois ou quatre dernières conventions», a déploré après le vote William Ross, concierge dans un centre communautaire de la Ville reine. Même s'il conserve sa permanence en raison de ses 24 années de service, l'homme était visiblement mécontent de l'entente conclue par son syndicat, la section 416 du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP).

La direction du syndicat, qui représente les «employés travaillant à l'extérieur», principalement des cols bleus, a toutefois indiqué qu'elle n'avait aucune marge de manoeuvre, l'administration du maire Rob Ford l'ayant menacée de décréter un lock-out ce mois-ci s'ils n'acceptaient pas d'abandonner leur sécurité d'emploi. «Il n'y avait aucun compromis possible», a déploré le président de la section, Mark Ferguson.

«La Ville nous a mis un fusil sur la tempe pour négocier. Soit on acceptait, soit on passait cinq mois dans la rue en lock-out», a déclaré, indigné, William Ross. Même l'augmentation salariale de 6% sur quatre ans consentie par la Ville n'a pas réussi à réconforter les travailleurs. «La hausse de salaire est mineure. Elle ne couvre même pas l'inflation. J'aurais préféré qu'on ait un gel de salaire plutôt que de perdre notre sécurité d'emploi», a indiqué Ross. Certains groupes au sein du syndicat ont d'ailleurs tenté de faire pression pour faire avorter l'entente. La majorité des techniciens paramédicaux, environ 15% des 6000 membres de la section 416, sont d'ailleurs sortis du vote en furie, refusant de parler aux journalistes présents. Ceux-ci perdent le droit de débrayer, sans obtenir l'arbitrage, comme les policiers et pompiers.

«Je suis inquiet parce que 15 ans, c'est long avant d'obtenir une permanence», a déploré John Sawtatch, l'un des rares techniciens à avoir accepté de parler. Le jeune homme, qui travaille depuis moins d'un an pour Toronto, a ainsi dû dire adieu à sa sécurité d'emploi. «Malheureusement, ça va affecter tous les syndiqués au pays. Nous vivons à une triste époque», a déploré Don, mécanicien. Élue en promettant de «couper dans le gras» à la Ville de Toronto, l'administration du maire Rob Ford se félicitait d'ailleurs de cette victoire sur l'un de ses syndicats et espère faire école à la grandeur du pays. «Je suis sûr que d'autres villes pourront s'inspirer de ce que nous avons fait», a déclaré en entrevue à La Presse le maire adjoint, Doug Holyday, responsable des négociations. Ratifiée par le syndicat hier soir, l'entente doit être approuvée par le conseil municipal, demain.