Le gouvernement Charest presse officiellement le Parti québécois (PQ) de cesser son «obstruction» en commission parlementaire pour adopter rapidement sa réforme de la loi sur les mines (projet de loi 14). Mais certains de ses députés ne sont pas convaincus eux-mêmes de vouloir l'adopter tel quel.

La Presse a obtenu une solution compromis rédigée au début de l'année. Elle provient de Daniel Bernard, député libéral de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, qui a déjà travaillé dans le secteur minier à titre d'ingénieur. Elle répond en partie aux critiques acerbes de l'industrie envers l'article 91, qui donne aux municipalités ou MRC le pouvoir d'interdire l'activité minière sur certaines parties de leur territoire.

Selon cette proposition, l'article 91 serait appliqué au sud du 47e parallèle, dans des régions comme les Laurentides ou l'Estrie. Les municipalités y garderaient un veto sur l'activité minière. Ce ne serait pas le cas au nord, dans des régions minières comme l'Abitibi, la Côte-Nord et le Nord-du-Québec. De nouvelles conditions d'encadrement y seraient plutôt édictées par règlement. La nature de ce règlement n'a pas encore été précisée.

M. Bernard n'a pas voulu faire de commentaire hier. «Il est encore trop tôt pour en parler», a-t-il indiqué. Sa solution répondrait aux craintes des municipalités de sa circonscription, qui ne se sentiraient pas outillées pour gérer les possibles conflits avec les minières.

Le ministre des Ressources naturelles, Clément Gignac, en a déjà pris connaissance. D'autres députés libéraux l'ont appris pour la première fois hier à Victoriaville, lors de leur caucus de présession.

Mais cette solution arrive peut-être trop tard. Le ministre délégué aux Mines, Serge Simard, est pressé d'adopter son projet de loi, et il ne veut pas l'amender. «On ne peut pas avoir des lois pour le Sud et d'autres pour le Nord. On a des lois pour le Québec. On n'aura pas de loi à deux vitesses», a-t-il affirmé, catégorique.

L'article 91 a été bien accueilli par les environnementalistes et le monde municipal. Mais il a été vivement dénoncé par l'industrie minière, qui craint de perdre l'accès au territoire et de voir l'incertitude faire fuir les investisseurs. «Jamais on ne peut imaginer un article de loi aussi aberrant du point de vue économique, a déjà expliqué à La Presse le président de l'Association de l'exploration minière du Québec, Jean-Marc Lulin. Cela va nuire de façon durable, voire irréversible, au développement économique du Québec.»

En conférence de presse hier avec ses collègues Clément Gignac et Laurent Lessard, ministre des Affaires municipales, M. Simard a urgé le PQ de cesser de déposer des amendements sur le gaz de schiste et les redevances dans le cadre de la commission parlementaire qui étudie le projet de loi 14. Cette commission est aussi chargée d'étudier le projet de loi qui créera la Société du Plan Nord. À cause de cette congestion et de «l'obstruction» du PQ, M. Simard craint que la loi ne soit pas adoptée bientôt.