Un comité des Nations unies enquêtera bientôt sur ce qui semble être une épidémie de meurtres et de disparitions de femmes autochtones au Canada.

Le Comité des Nations unies sur l'élimination de toute forme de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) dépêchera trois experts indépendants au Canada pour tenter de faire la lumière sur la tragédie silencieuse qui frappe les communautés autochtones du pays.

La tenue de cette enquête a été demandée par l'Association des femmes autochtones du Canada (AFAC) et l'Alliance féministe pour l'action internationale (AFAI). Ces deux groupes disent avoir eu la confirmation hier que l'ONU a décidé d'accéder à leur demande.

La ministre responsable de la Condition féminine, Rona Ambrose, a toutefois affirmé hier aux Communes qu'aucune enquête de l'ONU n'était encore en cours. «Le Comité étudie l'enjeu et nous en discuterons en février», a-t-elle précisé.

«Nous allons nous assurer que (le Comité de l'ONU) est au courant du fait que nous avons lancé une stratégie pour les femmes autochtones tuées ou disparues», a dit Mme Ambrose.

Un rapport décrié

L'annonce de la tenue d'une enquête survient au lendemain de la publication d'un rapport fort décrié d'un comité des Communes sur la violence faite aux femmes autochtones. Les recommandations de ce rapport sont jugées beaucoup trop timides par l'opposition et les groupes autochtones.

Michèle Audette, présidente de l'Association des femmes autochtones du Québec, a exulté lorsqu'elle a appris, hier, la tenue prochaine d'une enquête onusienne.

«Je me suis dit: enfin! C'est dommage qu'on doive se rendre aux Nations unies pour dénoncer le fait qu'au Canada, il y a de la discrimination contre les femmes autochtones. Mais le gouvernement ferme les yeux sur ce qui se passe dans sa propre cour. C'est clair qu'on va se faire entendre. Ça va mal paraître pour le Canada.»

La pointe de l'iceberg ?

Au moins 600 femmes autochtones ont disparu ou ont été tuées depuis 20 ans au Canada. Et cela ne pourrait être que la pointe de l'iceberg, selon divers groupes de défense des droits de la personne.

«Souvent, on découvre qu'une autochtone a été assassinée seulement lorsqu'un quidam, en promenant son chien, se bute contre le corps de la victime. Ce sont souvent des femmes très vulnérables, et leur disparition n'est pas considérée comme une perte», déplore Sharon McIvor, de l'AFAI.

«Au Canada, le taux de violence est 3,5 fois plus élevé envers les femmes autochtones, qui sont aussi cinq fois plus susceptibles de mourir d'une mort violente», souligne pour sa part Jeannette Corbiere Lavell, présidente de l'AFAC.

Dès 2008, l'ONU s'est dite «préoccupée par le fait qu'au cours des deux dernières décennies, des centaines d'affaires de disparition ou de meurtre de femmes autochtones n'ont pas fait l'objet d'enquêtes approfondies ni d'une attention prioritaire, les coupables restant impunis».

L'ONU a alors invité le Canada à examiner les raisons de l'absence d'enquêtes sur ces affaires et à prendre les mesures nécessaires pour remédier aux carences du système.

Lundi, à Ottawa, l'opposition officielle et les groupes de pression ont froidement accueilli le rapport d'un comité des Communes énonçant les moyens de lutter contre la violence faite aux femmes autochtones.

Des députés du Nouveau Parti démocratique ont déploré la faiblesse des recommandations du rapport, qui ne fait qu'énumérer les actions déjà entreprises par le gouvernement pour lutter contre le phénomène.

Pour la députée Mylène Freeman, le gouvernement se moque du sort des femmes autochtones dans ce rapport, et l'annonce de la tenue d'une enquête de l'ONU vient le rappeler à l'ordre.

Avec la collaboration de Joël-Denis Bellavance