Le groupe Polysesouvient sonne l'alarme concernant une disposition du projet de loi sur la destruction du registre des armes d'épaule qui rendra optionnelle la vérification du permis de l'acheteur.

Un vendeur d'armes n'aura plus l'obligation de vérifier si l'acheteur du fusil possède bel et bien un permis valide de port d'armes, a-t-il prévenu.

À l'approche du 22e anniversaire de la tuerie de Polytechnique, le groupe mis sur pied à la mémoire des victimes du massacre a pris le chemin d'Ottawa jeudi pour implorer les parlementaires de voter contre l'abolition du registre des armes d'épaule.

Polysesouvient croit que la nouvelle législation mise de l'avant par les conservateurs n'obligera pas les marchands d'armes à tenir un registre précis des transactions de leurs ventes. Il en a également contre une disposition qui rendra optionnelle la vérification par le vendeur de la validité du permis de l'acheteur.

«Un vendeur n'aura pas à vérifier si le permis d'un acheteur potentiel est valide», a signalé Heidi Rathjen, présidente du comité des étudiants pour le contrôle des armes. «Techniquement, ils n'ont même pas à demander à voir le permis», s'est-elle alarmée.

«Il pourrait s'agir d'un permis révoqué, d'un permis contrefait ou même d'une carte plastifiée défraîchie à l'air vaguement officielle que pourrait produire n'importe quel magasin de reproduction», a conclu Mme Rathjen en comité.

En effet, à l'article 11 du projet de loi C-19 visant la destruction du registre, il est écrit que le vendeur «peut demander» une vérification de l'existence ou de la validité du permis de celui qui achète une arme.

Il est par ailleurs stipulé que la vente peut avoir lieu si le vendeur «n'a aucun motif de croire» que l'acheteur ne possède pas le droit de porter une arme.

«On va acheter une arme à feu comme on achète un frigo», a déploré Nathalie Provost, blessée lors de la tuerie du 6 décembre 1989 et pour qui le projet de loi C-19 constitue un «recul colossal».

Le gouvernement conservateur répète depuis le début du débat entourant l'abolition du registre des armes d'épaule que les partis d'opposition confondent enregistrement et registre. Cet élément nouvellement mis en lumière vient altérer cet argument.

Les néo-démocrates ont repris les inquiétudes de Polysesouvient en Chambre, en accusant le gouvernement de faire peu de cas des victimes.

«Ce gouvernement ouvre grand la porte aux criminels et laisse tomber les victimes. C'est une honte. Est-ce qu'il va s'en rendre compte avant qu'il ne soit trop tard?», a demandé la députée de Gatineau, Françoise Boivin.

Le ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, a répondu de façon catégorique.

«Vendre une arme à feu à quelqu'un qui ne possède pas de permis est un crime. S'ils le font, ils seront tenus responsables selon la pleine étendue de la loi», a signalé M. Toews.

Dans un courriel, son directeur des communications, Michael Patton, a cependant admis qu'il n'y avait pas d'obligation légale pour le vendeur de vérifier le permis de l'acheteur d'une arme.

«Il est illégal de vendre à un acquéreur qui n'est pas qualifié. Il n'y a pas d'obligation de vérifier leur statut», a écrit M. Patton.

Recul colossal

Dans son témoignage devant les membres du comité, la survivante Nathalie Provost a rappelé avoir été blessée par une arme semi-automatique qui n'aura plus besoin de figurer au registre advenant l'adoption de C-19. Elle soutient que les conservateurs «ignorent les faits et le gros bon sens» dans leur argumentation.

«Pour moi, c'est de l'ordre du scandale. On a réussi à construire quelque chose de positif d'un événement extrêmement malheureux, et dans l'espace d'un vote, ce qu'on vient de construire depuis 22 ans va tomber à l'eau», a-t-elle dit.

Elle a insisté sur l'utilité du registre, arguant que lorsque les mesures de prévention fonctionnent, il n'y a justement pas d'incident à documenter.

Dans l'éventualité où C-19 serait adopté, Polysesouvient demande à tout le moins la conservation des données afin que les provinces mettent sur pied leur propre registre. Jusqu'à présent, les conservateurs ont refusé ce transfert de données, demandé notamment par le Québec, sous prétexte que données et registre sont synonymes.