La haute direction d'Air Canada est bien au fait de ses obligations en matière de bilinguisme mais n'a pas mis en place les moyens requis pour intégrer le respect des deux langues officielles dans la culture d'entreprise.

Après avoir évalué les services offerts dans les deux langues officielles par le transporteur aérien, le Commissariat aux langues officielles a formulé, dans un rapport publié lundi, une série de recommandations visant à raffermir l'engagement de la haute direction d'Air Canada envers le bilinguisme.

«Il y a un problème de communication et il y a un problème de compréhension, ce qui veut dire qu'il y a un problème d'organisation, de gestion et de leadership», a expliqué le commissaire aux langues officielles, Graham Fraser, lors d'une entrevue avec La Presse Canadienne.

«Il faut aller au-delà d'avoir simplement un directeur des langues officielles quelque part dans l'organisation. Il faut que ce soit vraiment perçu comme une valeur de l'organisation. Il faut qu'il y ait des gens responsables à tous les niveaux et que cela fasse partie d'un cadre d'évaluation des gestionnaires, qu'il y ait des gens dans les aéroports qui ont cette responsabilité, qu'il y ait un système de vigie», a poursuivi M. Fraser.

Le Commissariat a évalué les services offerts dans les deux langues officielles à bord des vols désignés bilingues aux aéroports où le transporteur national a des obligations linguistiques ainsi que par les centres d'appels.

La vérification a notamment mis en lumière des faiblesses importantes en ce qui concerne les connaissances des gestionnaires et des agents sur les obligations du transporteur en matière d'offre active et de prestation des services bilingues.

«Le rapport est truffé de commentaires d'employés comme: «je ne savais pas qu'il y avait des obligations, je pensais que c'était juste une politique de courtoisie»', a indiqué Graham Fraser.

Selon lui, même si la haute direction ne fait pas fait preuve de mauvaise volonté face au bilinguisme, elle a un portrait tronqué de la réalité au sein de son entreprise.

«Une des surprises dans la vérification a été de constater qu'il y avait des employés qui avaient la perception que l'effort (d'offrir un service bilingue) qui a été fait pour les olympiques était terminé après les olympiques et que c'était une obligation uniquement pour les olympiques. Je peux vous assurer que la haute direction était assez étonnée d'apprendre que cette perception existait», a-t-il dit.

Le rapport comprend 12 recommandations en vue d'aider Air Canada à améliorer la prestation de ses services aux passagers dans les deux langues officielles, des mesures correctives qui sont relativement faciles à appliquer, selon M. Fraser.

«Il faut un protocole très clair pour les employés pour qu'ils sachent que, même s'ils ne sont pas bilingues, il y a un collègue bilingue à côté, qu'il y a une façon de faire si quelqu'un cherche un service en français», explique le commissaire.

«C'est possible, un changement de culture. Ça ne prend par une grande campagne de sensibilisation, mais même des préposés bilingues au comptoir d'Air Canada n'ont pas le réflexe de recevoir des clients dans les deux langues», déplore-t-il.

Les mesures qu'il propose nécessitent cependant des investissements. Par exemple, il note que, dans certains cas, les employés n'ont pu recevoir de formation en français parce que les gestionnaires refusaient de l'offrir sur les heures de travail.

Graham Fraser en profite pour rappeler que le fait d'offrir des services dans les deux langues officielles n'est pas optionnel pour le transporteur aérien. «Air Canada continue d'être parmi ceux qui font l'objet du plus grand nombre de plaintes, ce qui est normal au nombre de passagers qu'ils transportent. Mais certaines de ces plaintes se sont rendues devant les tribunaux. Les tribunaux ont été très clairs à l'effet qu'Air Canada a une obligation de résultat et pas seulement une obligation d'effort.»

Il mentionne malgré tout dans son rapport que la société, qui a intégré la plupart de ses recommandations dans son nouveau plan d'action, s'est engagée à les mettre en oeuvre.

«Je voyage souvent sur Air Canada et souvent j'ai été agréablement surpris», précise-t-il, indiquant toutefois que sa perception demeure anecdotique puisqu'il n'a pas les outils de mesure requis pour évaluer si la situation s'est améliorée ou non au fil des ans.