Les gouvernements ont beau multiplier les campagnes pour inciter les automobilistes à ralentir dans les zones où il y a des travaux routiers, le principal danger pour les travailleurs provient des véhicules de chantier, concluent de récentes études américaines. Un important institut de recherche s'apprête d'ailleurs à recommander l'ajout de capteurs et de caméras à l'arrière de tous les camions, car les avertisseurs sonores de recul sont jugés insuffisants pour prévenir les accidents.

Vendredi, un arpenteur affecté au chantier de l'autoroute 30 à Châteauguay, Georges Berger, a été tué par un camion qui reculait pour déverser son chargement de pierre. Cet accident mortel, le troisième en deux ans dans de telles circonstances, illustre le principal danger auquel sont exposés les travailleurs, selon Stephen Pegula, économiste du Bureau of Labor Statistics.

Le chercheur a analysé les circonstances de la mort de 639 travailleurs tués de 2003 à 2007 dans des chantiers routiers aux États-Unis. «Quand j'ai commencé mon étude, j'étais convaincu que la majorité des travailleurs avaient été tués par des voitures qui roulaient trop vite aux abord des chantiers, mais en réalité, ce sont les véhicules à l'intérieur même des chantiers qui sont les plus dangereux», dit M. Pegula.

Ses travaux ont permis de déterminer que 70 travailleurs avaient été tués par des voitures qui traversaient le chantier et que 235 sont morts lorsqu'ils ont été heurtés par un véhicule du chantier, la plupart du temps un camion en marche arrière. Comme dans le cas de la mort de Georges Berger, l'avertisseur sonore de recul fonctionnait dans la majorité des cas.

«Dans un chantier routier, il y a énormément de bruit à cause des marteaux-piqueurs, des pelles mécaniques et du va-et-vient des camions. Il suffit d'une seconde d'inattention pour ne pas entendre l'avertisseur de recul. Cette mesure n'est plus suffisante, c'est seulement un minimum», explique Aldo Miguel Paolinelli, président de la CSN-Construction. Son organisation, qui a convoqué la presse ce matin pour faire le point sur l'application des mesures de sécurité au chantier de l'autoroute 30, souhaite que l'on adjoigne désormais à tous les conducteurs de camion un signaleur pour diriger leurs manoeuvres.

Mais cela n'est pas sans danger puisque les signaleurs eux-mêmes risquent d'être heurtés, souligne toutefois David Fosbroke, chercheur au National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH), en Virginie. Depuis plus de 10 ans, son laboratoire étudie diverses mesures destinées à prévenir ces accidents dans les chantiers routiers. Leurs travaux ont permis de déterminer que les capteurs de mouvement et les caméras sont efficaces. Les chercheurs américains recommandent aussi aux entrepreneurs de se doter de plans de déplacement dans les chantiers pour permettre à tous les travailleurs de savoir en tout temps où se trouvent leurs collègues et, surtout, les véhicules.

La Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec a d'ailleurs exigé que l'entrepreneur du chantier de l'autoroute 30 prépare un tel plan avant d'autoriser la reprise des travaux. Et même si les enquêteurs ont déterminé que l'avertisseur sonore du véhicule qui a tué Georges Berger fonctionnait, tous les camions devront démontrer à leur entrée dans le chantier que leur alarme de recul est fonctionnelle.