Les élus doivent adopter une loi spéciale pour décréter que l'entente entre la ville de Québec et Quebecor est légale. Sinon, son PDG Pierre Karl Péladeau pourrait se retirer du projet.

L'entente initiale sur la gestion du futur Colisée a été signée en mars. Elle prévoit qu'une entente finale doit être conclue d'ici le 7 septembre.

Or, le ministère des Affaires municipales et un ancien directeur général de la Ville de Québec, Denis de Belleval, soutiennent que cette entente de gré à gré viole la Loi sur les cités. Selon eux, il aurait fallu un appel d'offres. M. de Belleval a donc déposé mardi une requête en nullité.

Ces menaces de poursuite constituent «une épée de Damoclès qui pèse au-dessus de nos têtes», soutient M. Péladeau.

Les travaux parlementaires à l'Assemblée nationale se terminent le 10 juin. Ils reprennent vers la mi-septembre. D'où l'urgence, selon M. Péladeau, d'adopter la loi d'ici la semaine prochaine. Sinon, il menace de ne pas finaliser l'entente.

Le patron de Quebecor pourrait retarder l'échéance du 7 septembre. Mais il refuse, car le temps presserait pour protéger son «investissement risqué».

«Vous conviendrez avec moi qu'il ne s'agit pas d'un succès garanti», a avoué l'entrepreneur. Il estime que pour rentabiliser son investissement, Quebecor devrait programmer plus de 100 événements par année au nouveau Colisée. À l'heure actuelle, sans équipe de hockey professionnelle, il y a 30 événements par année.

Il mise donc sur le retour des Nordiques à Québec. «Toute incertitude juridique est très problématique et a tendance à disqualifier notre candidature (pour acheter une franchise de la Ligue nationale de hockey (LNH))», prévient-il.

L'immunité juridique faciliterait sesnégociations avec la LNH et aussi avec les promoteurs de spectacle. «Pensez-vous sérieusement que vous pourrez faire venir Elton John si le partenaire avec lequel vous discutez a une incertitude à l'égard du contrat de gestion? (...) Croyez-vous un seul instant que comme entreprise, nous allons dépenser des centaines de millions pour acheter uneéquipe de hockey si nous n'avons pas la certitude de pouvoir la localiser dans un amphithéâtre avec des conditions solides?»

Précisons toutefois que ces concerts ne sont toutefois pas prévus pour bientôt. La construction du nouveau Colisée doit prendre quatre années. Elle devrait être terminée au plus tôt en 2015.

Vraiment une urgence, demande Caire?

Quebecor n'investit pas dans la construction du nouveau Colisée, estimé à 400 millions de dollars. La Ville de Québec et le gouvernement provincial se partagent la facture, avec un chèque de moins de 20 millions du groupe citoyen J'ai ma place -les dons à cet organisme sont déductibles d'impôt. La Ville de Québec assume tous les dépassements de coûts, que certains craignent à cause des terrains contaminés.

Quebecor achète seulement les droits de gestion et le nom de l'édifice. Selon l'entente, la société partagera de 10 à 15% de ses profits avec la Ville de Québec. Cela équivaut à un investissement de 110 à 200 millions en 25 ans, explique M. Péladeau.

Le député indépendant Éric Caire ne comprend l'urgence invoquée par le maire de Québec, Régis Labeaume, et M. Péladeau. Il rappelle que la première condition du retour des Nordiques est la construction d'un nouvel amphithéâtre. La véritable urgence serait donc d'en commencer la construction, qui doit durer environ quatre années. Et cela peut se faire sans entente finale avec Quebecor, souligne M. Caire.

Entente juste, assure Péladeau

Quebecor assure avoir conclu une entente juste avec la Ville de Québec. Même s'il parle de «risque», M. Péladeau croit pouvoir «trouver (son) profit». «Cette rentabilité bénéficiera à l'ensemble des Québécois, car la Caisse de dépôt et placement détient 45% de Quebecor», a-t-il rappelé. Il mentionne de plus le partage de profits prévu avec la Ville de Québec.

M. Péladeau ajoute que la négociation de gré à gré avec le maire Labeaume constituait un processus «hautement compétitif». Son offre initiale a été «nettement bonifiée». Selon lui, «tout a été mis en oeuvre pour aller chercher une contribution maximale du secteur privé».

«Zèle excessif» et «arrogance», dit de Belleval

Denis de Belleval ne savait plus comment manifester son indignation en commissionparlementaire. Il a qualifié le projet de loi 204 de «Loi à la Berlusconi pour éviter au maire de Québec la déchéance».

Il se désole que les élus veuillent retirer aux citoyens le droit de contester un contrat public. «Pareille arrogance dépasse tout entendement. (...) Ce zèle excessif ne peut qu'avilir la dignité de nos institutions», tonne-t-il.

L'ancien directeur de la ville de Québec dénonce cette manoeuvre législative pour protéger une entente qu'il juge illégale. Et injuste aussi.

Les contribuables payent entièrement un amphithéâtre qu'ils loueront ensuite à un coût dérisoire, estime-t-il. D'après ses calculs, cela équivaut à louer 350$ par mois une maison de 400 000$. Sans compter les possibles dépassements de coûts. De plus, le bail compte une clause d'indexation négative -plus le coût de la vie augmente, moins Quebecor paiera cher. «L'inanité et l'absurdité de ce montage financier sautent aux yeux.»

L'entente manquerait aussi de garantie. Quebecor peut mettre fin au bail à tout moment, de façon unilatérale et sans compensation. M. Péladeau peut aussi déménager l'équipe quand il veut. «La ville resterait seule avec les factures», se désole M. de Belleval.