Combien de clones fera Régis Labeaume? Voilà que le style du maire de Québec fait l'objet d'analyses. Depuis plusieurs mois déjà, Guylaine Martel, professeure à l'Université Laval, l'a mis à l'étude, comme elle se penche depuis quelques années déjà sur l'image de Pauline Marois et sur celle de Jean Charest.

Mis à part l'épisode Clotaire Rapaille -et jusqu'à ce projet de loi reporté visant à protéger l'amphithéâtre contre toute poursuite judiciaire-, Régis Labeaume a bénéficié «d'un formidable alignement des étoiles», note Mme Martel. «Il a été chanceux; il est arrivé au moment où Québec recevait quantité de subventions» (notamment pour le 400e anniversaire de Québec).

Surtout, il est arrivé dans le paysage au moment où les Québécois en avaient plus qu'assez de la langue de bois, et alors que les Montréalais ont «un maire qui multiplie les aveux d'ignorance».

D'ailleurs, nombreuses sont les personnes qui comparent les maires de Montréal et de Québec, ce qui ne va pas sans chatouiller le maire Tremblay. En entrevue à La Presse, à la fin de l'an dernier, il a dit qu'il trouvait injustes ces comparaisons puisque les défis des deux villes sont bien différents.

À l'heure où les fonctionnaires font des jaloux avec leur permanence et leurs bons salaires, le maire Labeaume a notamment séduit les contribuables «en rabrouant très publiquement un fonctionnaire, en le traitant d'incompétent en plein point de presse».

«Ça donne l'impression qu'il dit les "vraies affaires" alors que tant d'autres politiciens ont l'air de vouloir se cacher.»

Combien de temps encore le style Labeaume fonctionnera-t-il?

«Plus les politiciens constateront qu'il est politiquement rentable de paraître spontané, plus ils seront nombreux à l'imiter, moins Régis Labeaume fera figure d'oiseau rare», croit-elle.

Déjà, il n'est pas le seul, comme le signale Mme Martel: Denis Coderre donne à fond dans ce style.

Outre quelques apparitions aux bulletins d'information, les Montréalais voient essentiellement de Régis Labeaume son côté bon enfant et ses actes de contrition après un coup de gueule un peu trop appuyé. «Ses excuses, Régis Labeaume les fait presque systématiquement dans des talk-shows, et c'est ce qui est beaucoup vu par les Montréalais. Or, présenter ses excuses, ça valorise une image», relève Mme Martel.

Facilité d'adaptation

Dans les conférences de presse et pendant les réunions du conseil municipal, Régis Labeaume se révèle tout autre et pas du tout porté sur l'introspection. «C'est presque stressant de lire les procès-verbaux du conseil municipal, tant les rapports du maire avec ses opposants sont conflictuels.»

Dans les médias, donc, une tout autre image. «Je crois qu'il est allé trois fois à l'émission de Marie-France Bazzo, il va à Tout le monde en parle, il participe au Verdict et se montre sympathique avec Véronique Cloutier. Un peu comme Jean Charest, il s'adapte très bien à ce genre d'émission.»

Idem pour Jack Layton, qui est comme un poisson dans l'eau à Tout le monde en parle, ou comme Denis Coderre, qui a eu beaucoup de place aux Francs-Tireurs. Les médias sont-ils trop complaisants avec certains de leurs chouchous, comme l'ont dénoncé certains après l'élection de Jack Layton? «Les médias vont chercher les gens qui sont le plus "médiatisables". Et Stephen Harper n'est pas de ceux-là», répond Mme Martel. Elle ajoute que Régis Labeaume, Pauline Marois et Jean Charest sont tous de bons sujets d'étude de «la construction du politicien, qui est en plein changement ces années-ci».

Jusqu'ici, les politiciens n'émergeaient pas de nulle part. Ils avaient fait leurs classes, connaissaient le milieu, de près ou de loin. «Aujourd'hui, on va les chercher dans la société civile, il est normal qu'ils ne se comportent pas comme des politiciens, du moins au début. Il reste que, à terme, eux aussi risquent de se conformer au milieu dans lequel ils se trouvent. Leur spontanéité risque d'être vite canalisée, sans compter que, s'ils sont nombreux à adopter le même style, cela pourrait vite impressionner un peu moins les gens.»

Invité par La Presse à commenter l'étude, Régis Labeaume ne l'a pas fait.