Des milliers de producteurs agricoles sont dans une «situation catastrophique». Une grande partie des élevages de porcs, de boeufs et d'agneaux disparaîtront d'ici à la fin de l'année si rien n'est fait.

C'est le constat alarmant dressé par le président de l'Union des producteurs agricoles (UPA), Christian Lacasse, qui poursuit actuellement la tournée de ses membres dans les régions.

Environ 3000 producteurs sont menacés, soit pas moins d'une ferme sur cinq, si on exclut les producteurs qui sont protégés par le système de gestion de l'offre, dans le domaine du lait, par exemple.

«Il y a des producteurs qui ne résisteront pas jusque-là (en 2012), a prédit M. Lacasse dans une entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne. Moi, c'est ce que j'entends présentement. Dans le porc, dans le boeuf, il y a déjà des producteurs qui sont en train d'abandonner. C'est une situation catastrophique. C'est toujours un drame de fermer des entreprises agricoles. Il y a aura des impacts locaux, régionaux.»

Le président de l'UPA impute la faute à l'assureur des producteurs, c'est-à-dire la Financière agricole, ainsi qu'au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation (MAPAQ).

La Financière agricole, qui assure et indemnise les éleveurs, a prévu des «mesures de compensation» qui ne donneront pas leurs fruits avant 2012. Or les producteurs ont besoin d'aide maintenant, plaide M. Lacasse.

De même, la Financière facture actuellement une surprime aux éleveurs, au moment même où ils tentent de se remettre de plusieurs mauvaises années. Grâce à cette surprime, la Financière espère effacer le déficit accumulé de son assurance stabilisation du revenu agricole (ASRA) en trois à cinq ans, plutôt qu'en 15 ans, comme il avait été convenu.

M. Lacasse ne digère pas que la Financière, dont le rôle est d'aider les agriculteurs en leur assurant un revenu, se renfloue ainsi «sur leur dos» en les mettant en péril.

«Nous, on ne comprend pas», a-t-il affirmé. L'UPA siège au conseil d'administration, mais la décision a été prise par la direction générale, «à l'encontre de la décision du conseil», a tenu à préciser M. Lacasse.

«Il n'y a pas de raison de rembourser le déficit de façon aussi accélérée que ça.»

La Financière agricole a refusé de commenter la situation. Toutefois, dans une note d'information qu'elle fera justement paraître lundi, elle maintient qu'elle étale le remboursement du déficit cumulé sur 15 ans. Elle précise aussi que les 117 millions $ perçus en trop en 2010-2011 serviront à rembourser les déficits passés.

Le syndicat agricole presse aussi le gouvernement de débloquer les 20 millions $ d'un programme d'adaptation mis sur pied en 2009.

«Les critères sont très restrictifs», a déploré M. Lacasse. Le MAPAQ avait relevé 300 entreprises agricoles «en situation précaire» potentiellement admissibles, mais moins de 100 ont finalement été acceptées à ce jour, a-t-il dit.

«Ou bien ils se font dire que c'est tellement détérioré qu'il n'y a plus rien à faire, ce qui est totalement inacceptable (...), ou bien ils se font répondre que la situation n'est pas si négative. Qu'est-ce que ça prend entre les deux?»

Il rencontrera le ministre Pierre Corbeil au cours des prochains jours pour trouver des solutions rapidement, car les producteurs ont un besoin pressant de liquidités au printemps pour leurs dépenses.

C'est la deuxième fois en un an que l'UPA croise le fer avec la Financière. L'an dernier, les producteurs s'étaient insurgés contre des mesures de redressement financier. L'impasse avait conduit au blocage des sentiers de motoneige, en guise de représailles, ce qui avait incité le gouvernement à trouver une solution.

Cette fois, M. Lacasse s'est montré prudent en refusant d'y voir des problèmes persistants.

«Faites-moi pas parler là-dessus, a-t-il lâché en riant. Je ne commenterai pas mes relations avec la Financière. Je ne veux pas repartir en guerre.»