«Bienvenue à Sabrevois-sur-mer!», peste Pierre Bouchard, lorsque nous entrons dans sa maison inondée sur la rue Bouthillier à Sainte-Anne-de-Sabrevois, en Montérégie.



Des débris flottent un peu partout dans sa résidence. Quelques meubles ont été surélevés sur des bûches, pour les préserver de l'eau. Par la porte-fenêtre arrière, on aperçoit la rivière Richelieu couler à quelques mètres. «Je viens de poser un beau plancher de chêne de 30 000 $, je ne sais pas quoi faire...», soupire, abattu, M. Bouchard. Il ne possède pas d'assurance pour ce type de sinistre, puisqu'il habite une zone inondable. «Si le vent se lève, l'eau va encore monter», se lamente-t-il.

Comme Pierre Bouchard, les citoyens de plusieurs municipalités riveraines du lac Champlain et de la rivière Richelieu sont aux prises avec d'importantes inondations.

Du jamais vu en plusieurs décennies, selon plusieurs résidents rencontrés. «Avec la neige qu'on a eue cet hiver, c'est normal! Et si le vent se met de la partie, un gros vent du sud, ça va monter encore!», redoute un résident de Sabrevois, qui traverse la rue inondée sur son véhicule tout terrain.

La pluie, mais surtout les vents prévus jeudi sont en effet les pires ennemis des riverains. Et les choses regardent plutôt mal, selon la Sécurité civile. «On annonce des rafales de 90 km/h, en plus de précipitations. On se prépare à une situation pire que samedi», indique Éric Doneys, porte-parole du bureau régional de la sécurité civile pour la Montérégie et l'Estrie.

Samedi, les pluies et les vents violents avaient fait déborder le lac et la rivière Richelieu dans plusieurs municipalités de ce secteur de la Montérégie. De lourds dégâts avaient notamment été constatés à Venise-en-Québec.

Pour l'heure, les autorités sont sur un pied d'alerte. «On va peut-être procéder à l'évacuation de résidents de Saint-Georges-de-Clarenceville», souligne M. Doneys. Selon les autorités, la situation risque d'être préoccupante jusqu'à dimanche dans ce secteur de la Montérégie.

À Venise-en-Québec, Nathanielle Boissé soupire dans sa voiture immobile au milieu de la rue principale recouverte d'eau. Son moteur vient d'étouffer. Prise au piège, elle utilise son téléphone portable pour appeler à l'aide. Au même moment, un tracteur arrive à sa hauteur, tirant une remorque dans laquelle s'agrippent quelques sinistrés. Sans hésiter, le conducteur du tracteur et deux passagers sautent à l'eau pour pousser la voiture de Mme Boissé sur le bitume sec.

Un peu plus loin, le maire de la municipalité tente de convaincre une riveraine âgée d'évacuer sa maison. «Les gens ont du mal à partir. Au besoin, on peut loger des sinistrés au vieux presbytère», explique Jacques Landry, qui dit avoir distribué 2000 sacs de sable. «C'est bien la première fois qu'on voit ça. Même les vieux de la vieille n'ont jamais vu ça», reconnaît le maire.

Les campings enlignés le long de la rue principale sont presque tous déserts. Quelques irréductibles persistent toutefois à occuper leurs roulottes au camping du Domaine Florent. Lise et Paul Murphy sont du nombre. Il faut marcher dans près d'un mètre d'eau pour atteindre leur porte. «Pour le moment, on a l'électricité. J'ai un peu peur que la toilette déborde. Si l'eau monte trop, on mettra nos bottes et on ira trouver refuge chez de la famille», explique Mme Murphy, plutôt zen.

La route principale, qui longe le lac Champlain, s'est transformée en rivière. Pour l'emprunter, les véhicules doivent circuler dans près d'un mètre d'eau à certains endroits.

Dehors, l'air est chaud et humide. Le vent se lève et les vagues de plus en plus puissantes commencent à fouetter les berges.

Plusieurs résidences situées en bordure du lac sont complètement entourées d'eau. Une dame seule dans sa maison coupée du monde dit n'avoir rien vu de tel depuis des lunes. Par chance, l'eau ne s'est pas infiltrée chez elle.

Par la porte-fenêtre arrière de sa maison située un peu plus loin, Yvon Dandurand observe le lac qui commence à s'agiter. Les vagues déferlent directement sur son terrain inondé. Il n'a pas l'intention de quitter sa maison, au contraire. «Je vais prendre un spa dans la véranda et observer tout ça!», lance ce gaillard.

À quelques kilomètres de là, à Saint-Georges-de-Clarenceville, quelques rues d'un quartier sont devenues impraticables et plusieurs résidents ont été évacués de la zone sinistrée.

La crue des eaux a aussi forcé l'évacuation de plusieurs résidants à Coaticook, en Estrie.

Photo: Patrick Sanfaçon, La Presse

Pierre Bouchard, un résidant de Sabrevois venait d'investir 30 000$ en rénovations.