La nouvelle flotte canadienne d'avions de chasse F-35 coûtera près du double du montant projeté par le gouvernement conservateur, soutient un expert américain en matière de défense.

Winslow Wheeler, analyste au sein du Centre for Defense Information à Washington, a ainsi mis un pied dans la campagne électorale canadienne, mardi matin, en rencontrant la presse sur la Colline parlementaire pour diffuser ses estimations. Il était invité par l'Institut Rideau, un laboratoire d'idées plutôt à gauche sur l'échiquier politique canadien.

M. Wheeler prévoit que le coût unitaire des avions de chasse s'élèvera à 148 millions de dollars, une évaluation qui se rapproche de celle du directeur parlementaire du budget, Kevin Page, haut fonctionnaire indépendant chargé de fournir des données fiables aux députés.

Ottawa plaide que le coût de chaque F-35 ne devrait pas dépasser 75 millions, et les conservateurs ont souvent tancé publiquement M. Page au sujet de ses prévisions.

«Personne sur la planète ne peut acheter des F-35 en bon état à 75 millions par appareil, c'est tout simplement impossible», a lancé M. Wheeler.

L'achat des F-35 a été un élément de débat au tout début de la présente campagne électorale. Les libéraux de Michael Ignatieff veulent annuler cet achat. Selon eux, il n'est pas judicieux d'engager une telle dépense alors qu'Ottawa est en situation de déficit.

Winslow Wheeler a travaillé pendant 30 ans à titre d'expert en défense pour l'équivalent du Vérificateur général à Washington, et pour des sénateurs américains, aussi bien démocrates que républicains.

À Ottawa mardi, il a expliqué que les estimations du gouvernement canadien correspondent au «prix unitaire départ usine» («URF»). Or, M. Wheeler a indiqué que cette donnée n'est pas utilisée à Washington parce qu'elle n'inclut pas des éléments essentiels pour qu'un avion puisse voler.

«Il est difficile de déterminer si l'estimation du prix unitaire départ usine par le gouvernement canadien comprend ou non les moteurs», a-t-il indiqué. «Je crois qu'il est donc très raisonnable d'affirmer que la prévision du directeur parlementaire du budget, à 148 millions par avion, est beaucoup plus exacte. Elle représente le coût d'un avion complet.»

M. Wheeler a fait valoir qu'une enquête publique dirigée par la vérificatrice générale devrait se pencher sur cet achat.

Ottawa veut se procurer 65 chasseurs F-35 dernier cri pour remplacer sa flotte vieillissante de F-18.

Le gouvernement estime le coût de ce programme d'acquisition à 15 milliards sur 20 ans, incluant les coûts d'entretien. Ce scénario est basé sur un coût unitaire à l'achat de 75 millions par appareil.

En campagne électorale, le chef libéral Michael Ignatieff a plaidé que cet achat faisait partie des énormes dépenses conservatrices qui empêcheraient Ottawa d'investir davantage en santé.

Le gouvernement Harper, au contraire, a énergiquement défendu son projet d'acquisition, plaidant qu'il profitera à l'industrie aérospatiale canadienne. Il a aussi maintenu ses projections financières parce que «toutes les informations suggèrent que nos évaluations sont exactes», a soutenu le premier ministre la semaine dernière.

Le Pentagone américain a récemment prévu qu'il paierait 151 millions US pour chaque F-35A, le modèle de base du chasseur, celui que le Canada entend aussi acheter.

Au moins un expert réputé du domaine de la défense conteste toutefois les conclusions de M. Wheeler. Le coût unitaire des avions canadiens pourrait varier entre les 75 millions prévus par Ottawa et 115 millions, selon Douglas Bland, professeur à l'Université Queen's, à Kingston.